« Tel est le chant mélodieux des sirènes, que mon cÅ“ur désirait entendre Â». La phrase pourrait s’appliquer au Silence des sirènes d'Unsuk Chin. Pour la création mondiale de cette seconde version, la soprano française Faustine de Monès livre une interprétation éclatante, pleine de maîtrise et de théâtralité. Nombreuses sont les techniques vocales virtuoses convoquées par la compositrice dont la ligne stylistique n'est pas sans rappeler celle de Ligeti. La partie instrumentale, savamment orchestrée et bien rendue par le Philharmonique de Radio France, nous embarque au sein d'une mer tantôt tumultueuse, tantôt mystérieuse.

Avec la création I Giardini di Vilnius de Francisco Filidei, le chant laisse place au violoncelle solo de Sonia Wieder-Atherton dans une œuvre en forme de mosaïque, que l'instrument soliste explore d'abord sur une seule note tenue, acquérant à chaque changement d'ambiance une nouvelle identité.

Filidei prend le temps de dresser dans les moindres détails divers paysages évocateurs : alpestres, pastoraux (appeaux), maritimes (imitation des mouettes), inquiétants, donnant la possibilité à l'imagination de s’échapper. Cependant, la deuxième moitié de la pièce semble perdre en cohérence avec des idiomes caricaturaux, à coup d’oppositions soudaines d'un climax puis d'une voix seule, tandis que, déconcertant dans un concerto, le violoncelle perd pied face à un orchestre largement dominant.

Grand raté de cette clôture, après Le Silence des sirènes, le silence de l’orgue, dû à une panne de jointure du pédalier de l'instrument de l'auditorium, empêchant la création mondiale du Hocquetus Animalis pour orgue seul de Théo Mérigeau. Après la grève des musiciens de l’Orchestre National de France et quatre créations annulées la veille, cette 33e édition se voit privée d’une de plus pour son dernier concert.

Coda du Festival 2023, on retrouve l'univers d'Unsuk Chin avec la création française de Puzzles and Games from Alice in Wonderland. Moins convaincant que Le Silence des sirènes, cet arrangement pour orchestre et soprano de l’opéra Alice in Wonderland perd beaucoup de son sens en l'absence du lapin et de la souris. Cependant, la soprano Alexandra Oomens incarne parfaitement le rôle principal avec un timbre riche et une très bonne diction, qui permettent de rentrer dans l’univers du texte de Lewis Carroll.

Concentrées sur des parties plutôt sérieuses et dramatiques, les dix pièces ont pour effet d'éluder l'humour et le psychédélisme attendus, laissant le regret de ne pas avoir clos cette édition par la première œuvre de la soirée.