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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
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Deuxième concert de l’Orchestre symphonique de San Francisco, sous la direction d’Esa-Pekka Salonen et avec le concours du violoniste Johan Dalene à la Philharmonie de Paris.
Le temps suspendu
Pour leur deuxième soirée à la Philharmonie de Paris, San Francisco et Salonen offrent un programme très cohérent. L’hommage à Sibelius du regretté Steven Stucky est suivi par un Concerto pour violon de Barber servi avec une rare intensité par Johan Dalene. La soirée trouve son aboutissement avec une Symphonie n° 5 de Sibelius d’anthologie.
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Qualifiant lui-même avec humour et modestie sa pièce Radical Light de « petite morveuse » osant s’inspirer de la forme en mouvement unique de la Septième Symphonie de Sibelius, Steven Stucky montre ici une connaissance organique de l’univers du Finlandais. Très élégante, cette partition pour grand orchestre à la percussion étendue, s’offre comme une suspension du temps traversés d’éclairs. Son expression limpide est à la fois sa force indéniable et sa relative faiblesse. Esa-Pekka Salonen, son créateur à Los Angeles, la présente avec une finesse renouvelée avec ses musiciens de San Francisco. L’écriture superbement mélodique du Concerto pour violon de Barber qui suit prolonge un certain hédonisme sonore.
Le concerto bénéficie au premier chef d’un violoniste de premier plan, le jeune Johan Dalene. De son Stradivarius, il produit une sonorité sombre, parfois rauque, qui contraste admirablement avec la luxuriance des cordes de l’orchestre renforcée par la direction foisonnante de Salonen. Dalene tend l’œuvre de phrasés parfaitement modelés à mille lieux des mignardises sucrées souvent entendues dans cette partition. Du coup, le Presto final, à l’esthétique différente des deux premiers mouvements contemplatifs, apparaît comme un fol aboutissement, une course à l’abîme inévitable. La Quatrième Sonate d’Ysaÿe donnée en bis confirme que sa virtuosité se double d’une personnalité marquante.
La soirée gagne si possible encore en intensité avec la Symphonie n° 5 de Sibelius. Le concert du Théâtre des Champs-Élysées en 2016 avec le Philharmonia est resté dans les mémoires. Le feu de sa direction semble avoir encore gagné en profondeur et en intensité. Tout ce qui relève du changement de tempo, un des éléments essentiels à l’artisanat sibélien, est ici réalisé avec une maîtrise qui coupe le souffle.
Dans un geste allant, le chef parvient sans couture apparente à ménager des suspensions de temps (les mêmes soulignées dans la pièce introductive de Stucky) pendant lesquelles l’œuvre semble se régénérer comme un phénix renaît de ses cendres. Il est aidé par un orchestre superlatif à la chaleur que les disques enregistrés par son prédécesseur Michael Tilson Thomas ne permettaient pas d’imaginer. L’inévitable Valse triste prolonge cet état hypnotique tandis qu’un second bis, l’Alla marcia de la Suite Karelia, exhale une joie exubérante et contagieuse.
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Philharmonie, Paris Le 10/03/2023 Thomas DESCHAMPS |
| Deuxième concert de l’Orchestre symphonique de San Francisco, sous la direction d’Esa-Pekka Salonen et avec le concours du violoniste Johan Dalene à la Philharmonie de Paris. | Steven Stucky (1949-2016)
Radical Light (2007)
Samuel Barber (1910-1981)
Concerto pour violon (1940)
Johan Dalene, violon
Jean Sibelius (1865-1957)
Symphonie n° 5 (1919)
San Francisco Symphony
direction : Esa-Pekka Salonen | |
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