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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Jakub Hrůša au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Montée en température
Il y a longtemps qu’on n’avait entendu le Philharmonique de Vienne aussi transcendant en tournée, dans cette soirée slave du Théâtre des Champs-Élysées où il sera jusqu’au très modéré Jakub Hrůša de sortir de ses gonds dans des extraits de Roméo et Juliette de Prokofiev et une Symphonie n° 5 de Chostakovitch n’hésitant jamais à défier l’acoustique des lieux.
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La réputation des Wiener Philharmoniker ne jouant jamais aussi bien qu’à domicile n’est souvent pas infondée. Franc démenti ce soir pourtant dans un TCE très attentif où dès l’entame de Jalousie de Janáček, conçue initialement comme ouverture de Jenůfa, les Viennois sont dans les starting-blocks. Cette courte pièce au parfum romantique, qui en son centre commence à affirmer le vrai style du compositeur morave, plus anguleux et imprévisible, s’avère un excellent tour de chauffe.
La demi-heure d’extraits de Roméo et Juliette qui suit est le théâtre d’une impressionnante montée en tension qui accepte de faire saturer l’espace du Théâtre des Champs-Élysées. Certaines soirées viennoises avenue Montaigne, la pondération et le souci du beau son l’emportent. Ce dimanche de mai, les nécessités dramatiques font loi jusqu’à faire siffler les oreilles. Car la fièvre, la manière d’empoigner l’orchestre trapu de Prokofiev, de faire rougeoyer les cuivres, de mettre en valeur les coups de massue de la percussion servent une dramaturgie chauffée à blanc.
Montaigu et Capulet ronflant dans les graves, contrebalancés à l’autre extrémité du spectre par des violons idéalement perçants, Juliette enfant sans excès de vélocité, très tenus quant à la pulsation, et Mort de Tybalt semblant faire sourdre trombones et trompettes des Enfers participent à une sélection piochée dans les deux suites d’orchestre (et au-delà ) qui donne un bon résumé du ballet. Mais bien autant qu’il décuple la densité des Wiener, Hrůša soigne les détails comme ces tierces des accords finaux aux altos qu’il sollicite à loisir pour asseoir la consonance.
Après l’entracte, on craint un moment que le tempo très assis du premier mouvement de la Cinquième de Chostakovitch ne vire au statisme, mais le maestro tchèque parvient toujours à relancer l’intérêt, ici par la mise en valeur du timbre, là par un accent, même si les cordes sont contraintes à niveler parfois le phrasé par manque de désinences. Le deuxième mouvement, scherzo qui n’en porte pas le nom, cède à une certaine complaisance du rubato, quasi mahlérien et en somme trop viennois.
Reste que la conduite des lignes, la souplesse des transitions, l’ampleur des effets de masse, l’accompagnement de chaque solo sans corseter les instrumentistes – la flûte, le hautbois, immenses – sont du grand art, qui permet aux Wiener de transcender la partition avec leurs couleurs inouïes, comme cette ineffable doublure harpe-célesta à la fin du Largo, ou la machine de guerre timbales-caisse claire qui dévore le climax du Moderato initial.
Magnifique soirée conclue sur une Danse slave n° 2 du second cahier de Dvořák aussi incongrue après Chostakovitch que bouleversante de raffinement dans son fragile balancement de petite Dumka mélancolique.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 14/05/2023 Yannick MILLON |
| Concert de l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Jakub Hrůša au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Leoš Janáček (1854-1928)
Zárlivost (1894)
SergueĂŻ Prokofiev (1891-1953)
Romeo et Juliette (extraits) (1935) :
Introduction de l’acte I / Montaigu et Capulet / Juliette enfant / Masques / Scène du balcon / Mort de Tybalt / Roméo auprès de Juliette / Roméo au tombeau de Juliette / Mort de Juliette
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n° 5 en ré mineur op. 47 (1937)
Wiener Philharmoniker
direction : Jakub Hrůša | |
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