Sur le thème des cartes maritimes du Moyen Âge déjà utilisé pour titre d’un recueil de poème par son père, Tristan Murail clôture dans le cadre du Festival Messiaen un cycle initié vingt-cinq ans plus tôt, avec Feuilles à travers les cloches. Dans sa forme finale, Portulan contient douze pièces, avec un ordre qui permet d’ouvrir et de refermer le parcours avec les huit musiciens sur scène.

Écrite en 2011, La Chambre des cartes était auparavant placée en dernier, comme dans l’enregistrement du cycle inachevé en 2019 par l’Ensemble Cairn. Elle permet à présent d’introduire l’ensemble au grand complet, ici celui spectral créé par Murail il y a cinquante ans : L’Itinéraire. Avec une flûte, une clarinette, un cor, un violon, un alto, un violoncelle, un piano et des percussions, la formation profite de la direction de Mathieu Romano, qui ne reste cependant pas sur scène lors des pièces à moins de cinq, alors que sa présence semble toujours amener plus de cohésion.

Ensuite, Feuilles à travers les cloches (1998) et Dernières nouvelles du vent d’ouest (2011) sont des hommages à Debussy. La première pour cinq instrumentistes cherche à imager les cloches par le piano de David Chevalier, en plus de laisser les bois développer des spectres sonores diffus. Sous les percussions de Christophe Bredeloup, la seconde met bien en avant l’alto de Lucia Peralta, et donne au cor des réminiscences de La Mer, mais reste perturbée par un long changement de plateau.

De 2018 et de 2008, Une lettre de Vincent [Van Gogh ; NDLR] et Garrigue s’inspirent de la Provence dans laquelle habite maintenant le compositeur, après s’être longtemps inspiré du Havre puis avoir vécu aux États-Unis, dont est notamment tiré Seven Lakes Drive jouée juste après. D’une heure, la première moitié de soirée laisse place à un entracte, nécessaire pour maintenir la même concentration pendant l’heure suivante et les six dernières pièces.

Pour aider à cela, …les jours heureux… (2021) recentre immédiatement l’attention en étant peut-être la meilleure pièce du recueil, avec le cor d’Antoine Dreyfuss caché en arrière-scène pour créer des appels lointains, auquel répond évasivement le glockenspiel, accompagné de grande ligne mélodique par l’altiste et par la violoniste Anne Mercier. Paludes (2011) d’après le roman de Gide met par la suite bien en avant la clarinette de Juliette Adam et ses claquements sourds, mais aussi la flûte de Julie Brunet-Jailly ou le violoncelle de Myrtille Hetzel, tous bien agencés par le geste précis de Mathieu Romano.

Après I woud prefer not to… inspiré de Bartleby de Melville, créé en 2022 lors d’un concert homonyme à La Marbrerie de Montreuil, puis Les Ruines circulaires (2006) qui redonne une belle place au violon et à la clarinette en duo, les deux créations mettent en avant sept musiciens pour Rhododaktilos Eôs, puis avec le cor en plus, le groupe complet à huit instrumentistes pour L’Atlas des rêves conclusif. Important dans la musique de ces dernières décennies, le cycle assoit également par sa création au Pays de la Meije le poids du Festival Messiaen dans le paysage contemporain.