On pourrait s'étonner de voir au programme de Bayreuth seulement deux petites dates cet été pour ce Tristan signé Roland Schwab. Précisons que ce spectacle créé l'an dernier est le résultat d'un planning bousculé par la présentation du Ring de Valentin Schwarz reportée par la crise Covid. Le metteur en scène n'aura eu que cinq mois pour travailler à une production limitée au strict nécessaire côté scénographie.

Tour à tour navire de Tristan, demeure d'Isolde et château de Karéol, ce décor vintage fixe rappellera à certains nostalgiques les riches heures du Nouveau Bayreuth de Wieland Wagner avec ces deux immenses ellipses posées obliquement l'une au-dessus de l'autre. Tout d'abord, une ouverture au niveau supérieur qui laisse voir un ciel bleu où passent les nuages et qui évolue vers une nuit étoilée au III.

Une autre ouverture recouverte d'immenses écrans LED posés à même le sol à la façon d'une piscine où des images numériques traduisent les états d'âmes des protagonistes qui, littéralement, marchent sur l'eau. Le mythe de Philémon et Baucis sert de fil rouge, expliquant l'allusion aux deux grands ensembles végétaux qui tombent sur scène quand les deux amants se retrouvent pour l'éternité. Autre illustration lénifiante : ce couple de figurants montrés à trois âges différents (enfance, adolescence et vieillesse) et ces emprunts à la mise en scène de Katharina Wagner avec les projecteurs de Melot braqués sur Isolde.

Soporifique, la production dégage tout l'espace à un plateau dont la bonne tenue ne saurait toutefois emporter la soirée vers les sommets. Le Tristan de Clay Hilley livre une prestation d’un métal assez fruste d'expression et de couleurs, avec une ligne sans relief qui fait douter de sa compréhension du contenu littéraire du livret. Solide et endurante, Catherine Foster imagine Isolde à la façon d'une Brünnhilde égarée en Cornouailles, avec une longueur de note généreuse mais une expressivité très rectiligne.

Christa Mayer en grande forme offre à Brangäne énergie et contraste tandis que le Marke de Georg Zeppenfeld rappelle que le chant wagnérien est d'abord une affaire de phrasé et de style. Olafur Sigurdarson reproduit en Melot le mordant et la puissance de son Alberich tandis que Markus Eiche livre un Kurwenal un brin trop terne pour convaincre, là où le Pâtre (Jorge Rodríguez-Norton) déçoit carrément, dépassé en présence par le Jeune marin de Siyabonga Maqungo.

La direction de Markus Poschner s’inscrit dans un format large et confortable, jouant la carte du volume et de l'engagement, mais laisse en chemin des nuances parfois bâclées dans le duo d'amour et les épisodes où le caractère épique exige davantage de resserrement. Ce Tristan qui n’aura connu en tout et pour tout que quatre représentations sera remplacé dès l’été prochain par une nouvelle production de l’Islandais Thorleifur Örn Arnarsson.