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CRITIQUES DE CONCERTS |
15 septembre 2024 |
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Nouvelle production de Macbeth de Verdi dans une mise en scène de Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Philippe Jordan au festival de Salzbourg 2023.
Salzbourg 2023 (2) :
L’obsession de la lignée
Pour son grand retour à Salzbourg, Macbeth bénéficie de la mise en scène d’une cruauté toute shakespearienne de Krzysztof Warlikowski, qui scrute la solitude et l’angoisse de la descendance, en s’appuyant notamment sur une Asmik Grigorian déchaînée. Dommage que la fosse amoindrisse le propos avec la direction souvent décorative de Philippe Jordan.
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Le Verdi des jeunes années, pour fonctionner à l’égal des chefs-d’œuvre tardifs, a avant tout besoin d’un chef qui mette le feu à la fosse d’orchestre, ce qui vaut particulièrement pour Macbeth, avec ses formes ramassées, son écriture fragmentée, quasi durchkomponiert, qui nécessite une tension constante pour fonctionner à plein.
Las, Philippe Jordan dirige sur les pointes, en manque constant de verticalité dans les scansions. Survolée dans les passages rapides, essoufflée par un rubato complaisant dans les pages élégiaques, la battue ne trouve qu’in extremis de quoi faire crépiter le Philharmonique de Vienne, qui joue jusqu’au milieu du III du bout de l’archet et avec des cymbales qui s’excusent.
Le chef suisse connaît en outre son lot de désynchronisations avec le chœur, et dispute à sa prima donna le tempo de sa scène de somnambulisme. Asmik Grigorian, hagarde avec sa lampe de bureau dans les mains, se consume depuis sa scène introductive jusqu’à son interminable agonie, en passant par un Brindisi d’une joie mauvaise. Héroïne sans italianità , à la vocalise pataude, elle est soprano plus dramatique que d’agilité, mais la gestion des registres, la beauté du matériau, le poitrinage idéal du grave, les aigus dardés font de nouveau chavirer Salzbourg.
Voix ronde, le Macbeth peu ténébreux, très victime de Vladislav Sulimsky, voit sa projection se rétrécir légèrement dans l’aigu, à l’instar du Banco au halo de contrebasse de Tareq Nazmi. La flamme latine de la soirée sera l’apanage du Macduff irradiant de jeunesse, au vibrato ardent et au troisième registre magnifiquement déployé de Jonathan Tetelman, dont les réserves de puissance lui permettent de tenir mieux que la dragée haute aux époux diaboliques dans le concertato du I.
La cohésion de la production se fait surtout autour de la mise en scène très forte de Krzysztof Warlikowski, remake de son spectacle de 2010 à la Monnaie. Le Polonais sait son Shakespeare sur le bout des doigts et y surimprime des scènes d’Œdipe roi et de L’Évangile selon saint Matthieu de Pasolini pour asseoir le sentiment de fatalité de l’oracle des sorcières et l’image de l’enfantement. La lignée, préoccupation majeure de toutes les royautés, devient ici obsession, et la fertilité enjeu majeur de pouvoir. D’où Lady Macbeth contrainte à un examen gynécologique, Macbeth privé de sa virilité par une blessure vaudou à l’entre-jambes, et les enfants empoisonnés par une Lady Macduff aux airs de Magda Goebbels.
La rigidité protocolaire vaut aussi une armée de figurants agissant dans l’ombre pour que pas un cheveu des apparences ne dépasse, jusqu’à ces incessants changements de tenue d’une Lady censée répondre au moindre événement par une toilette appropriée. La scénographie épouse en outre parfaitement le format cinémascope du Großes Festspielhaus, avec cette coursive en hauteur où se trament les plus noirs desseins, ce banc de bois qui pourrait accueillir trente personnes, où la solitude du roi et de la reine, chacun d’un bout, marque pour longtemps la rétine.
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