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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Don Carlos de Verdi dans une mise en scène de Lydia Steier et sous la direction de Marc Minkowski au Grand Théâtre de Genève.
Rendez-vous manqué
Déception pour ce retour de Don Carlos dans sa version française originale au Grand Théâtre de Genève après soixante ans d’absence au bord du Léman. La faute en incombe surtout à une transposition en ex-Allemagne de l’Est sans inspiration de Lydia Steier et à la direction musicale souvent épaisse et véhémente de Marc Minkowski.
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À Genève, Lydia Steier parvient à se mettre à dos à la fois les anciens et les modernes. Difficile en effet de trouver de l'intérêt à une transposition de la cour de Philippe II en RDA pour mieux en rehausser le sentiment de pesanteur et de coercition. Tandis que les uns regretteront les fraises et les vertugadins, les autres bailleront d'ennui devant les artefacts gris acier d'un pouvoir totalitaire déjà accommodés à pas mal de sauces.
L’autodafé se déroule sous un lustre décoré de cadavres de pendus – leitmotiv d'une soirée où l'on s'évertue à montrer ce supplice réservé aux opposants. Autre idée : Elisabeth est enceinte, ce qui donne lieu à des scènes montrant le futur héritier comme motif récurrent d'une oppression politique transmise de génération en génération. Le spectacle montre en continu des moines qui passent leur temps à espionner les faits et gestes des principaux protagonistes – thématique assez lourdement soulignée par l'emploi de casques et de bandes d'enregistrement qui tournent sans discontinuer dans les coulisses, ainsi que de nombreux espions qui collent leur oreille aux parois.
L'apparition de Charles Quint opère un bien curieux et inutile deus ex machina qui ne suffit pas à infléchir la décision du roi puisque Don Carlos et Elisabeth sont pendus à leur tour. Le spectacle est placé sous une scénographie et des vidéos privées d'imagination par un Momme Hinrichs palliant l'absence d'idées par une rotation à l'infini d'un décor-tournette qui peine à combler les quelque quatre heures que dure la soirée (dans la version originale de 1867 en français).
Le plateau est dominé par Ève-Maud Hubeaux qui donne à Eboli une urgence et une ligne dramatique remarquables. Elle est suivie de près par le Posa impérial de Stéphane Degout, alliant à merveille phrasé et projection. Le Carlos de Charles Castronovo préserve l'essentiel, sans oser forcer les intentions faute de moyens techniques suffisants pour s'imposer notamment face à l’Elisabeth de Rachel Willis Sørensen, qui peine à domestiquer la force de ses aigus vibrés et l'ampleur généreuse de sa palette dynamique. Dmitry Ulyanov est annoncé souffrant mais son Philippe II affiche encore de belles couleurs et une tenue supérieure à celle de Liang Li, trop irrégulier en Grand Inquisiteur.
La direction de Marc Minkowski ne fait pas dans le détail et joue sur une carrure qui épaissit les lignes en confondant lyrisme et véhémence. La différentiation des pupitres ne joue pas le jeu de la transparence dans une partition qui exige sur ce plan une délicatesse de tous les instants. Ces options alourdissent l'impact dû au choix (contestable) de tronçonner la soirée en deux actes de deux heures avec l'exécution des hérétiques en ouverture de deuxième partie. Au final, le sentiment d'un rendez-vous manqué malgré l'importance d'une programmation qui remet en scène Don Carlos pour la première fois à Genève depuis soixante ans.
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Grand Théâtre, Genève Le 21/09/2023 David VERDIER |
| Nouvelle production de Don Carlos de Verdi dans une mise en scène de Lydia Steier et sous la direction de Marc Minkowski au Grand Théâtre de Genève. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Don Carlos, opéra en cinq actes (1867)
Livret de Joseph Méry et Camille du Locle d’après la pièce de Schiller
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
direction : Marc Minkowski
mise en scène : Lydia Steier
scénographie et vidéos : Momme Hinrichs
costumes : Ursula Kudrna
éclairages : Felice Ross
préparation des chœurs : Alan Woodbridge
Avec :
Charles Castronovo (Don Carlos), Dmitry Ulyanov (Philippe II), Rachel Willis Sørensen (Élisabeth de Valois), Stéphane Degout (Posa), Eve-Maud Hubeaux (Eboli), Liang Li (Le Grand Inquisiteur), Ena Pongrac (Thibault), William Meinert (Un Moine), Julien Henric (Le Comte de Lerme), Giulia Bolcato (Une voix céleste), Raphaël Hardmeyer, Benjamin Molonfalean, Joé Bertili, Edwin Kaye, Marc Mazuir, Timothée Varon (Les Députés de Flandre), Iulia Elena Surdu (La comtesse d’Aremberg). | |
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