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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 septembre 2024 |
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Les violonistes sont périssables. Bien plus que d’autres musiciens, ils perdent tôt la maîtrise de leur instrument. Du reste, on ne compte plus le nombre d’instrumentistes perdant l’intonation au moment même où vient la maturité artistique. À 76 ans, Gidon Kremer fait donc figure de vétéran même si d’autres cas plus éclatants encore viennent à la mémoire. Aux problèmes techniques inévitablement posés par l’âge, le violoniste letton a choisi une solution viable mais étrange, celle de fermer complètement son jeu dans une sorte de mezza voce permanente.
Le résultat dans la Sonate pour piano et violon n° 21 de Mozart qui ouvre la soirée ne manque sans doute pas de finesse, mais l’absence d’accent produit un effet presque lénifiant. Au piano, Mikhaïl Pletnev en partenaire attentif et maître du clavier parvient de temps à autre à relancer le discours et à captiver l’attention. Les mêmes paradigmes produisent à peu près les mêmes effets dans le Grand duo de Schubert. L’écriture qui s’éloigne un tant soit peu de son modèle classique force par moment Kremer à sortir de sa zone de sécurité. Mais c’est après l’entracte, le Trio à la mémoire d’un grand artiste de Tchaïkovski qui va nous permettre de retrouver l’artiste que nous aimons.
Mené de mains de maître par Pletnev, la pièce exhale un romantisme prégnant et souvent poignant. Le début du Pezzo elegiaco montre une superbe cohérence entre le violon de Kremer et le violoncelle de Giedrė Dirvanauskaitė. La musicienne lituanienne fond sa très belle sonorité dans celle de son aîné. Lorsque vient l’Allegro giusto, Kremer retrouve par l’élan qu’il doit suivre un peu de son éloquence d’antan. Cette expressivité aujourd’hui assortie d’une fragilité d’intonation certaine est nettement préférable au confort impavide de la première partie de soirée.
Certaines des variations qui suivent ont une saveur inégalable, celle de souvenirs fugaces de danses comme fredonnées. Mais bien évidemment, c’est le Finale dantesque qui s’impose à l’oreille. Pletnev entraîne avec un lyrisme exalté ses partenaires dans cette dernière variation avant qu’au terme des dernières pages, son ostinato se meure comme un cœur épuisé.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 13/11/2023 Thomas DESCHAMPS |
| Concert du pianiste Mikhaïl Pletnev et du violoniste Gidon Kremer avec le concours de la violoncelliste Giedrė Dirvanauskaitė au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate pour piano et violon n° 21 KV 304/300c (1778)
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour violon et piano en la majeur « Grand Duo », op. 162 D 574 (1817)
Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
Trio pour piano « À la mémoire d’un grand artiste », op. 50 (1882)
MikhaĂŻl Pletnev, piano
Gidon Kremer, violon
GiedrÄ— DirvanauskaitÄ—, violoncelle | |
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