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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Don Pasquale de Gaetano Donizetti dans une mise en scène de Tim Sheader et sous la direction de Giulio Cilona à l'Opéra National de Lorraine.
Sacrée soirée
Ce Don Pasquale marque les débuts en France de Tim Sheader qui signe là une mise en scène burlesque et aiguisée, rehaussée par les délirants décors de Leslie Travers. Le pimpant vétéran Lucio Gallo est entouré dans le rôle-titre par les talentueux Marco Ciaponi, Germán Olvera et Vuvu Mpofu portés à ébullition par la baguette Giulio Cilona.
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On doit à Matthieu Dussouillez l’idée de pimenter les fêtes avec ce Don Pasquale haut en couleurs signé Tim Sheader. Habitué de la comédie musicale et de la Royal Shakespeare Company, le Britannique fait ses brillants débuts en France avec une production très efficace d'abattage et de rythme qui a le grand mérite de ne pas surcharger de gags une trame qui mérite une finesse qu'on ne lui accorde pas si souvent.
La scénographie de Leslie Travers est construite sur une vaste tournette admirablement éclairée par Howard Hudson. Le nom du rôle-titre s'affiche en lettres géantes sur deux faces de ce décor qui, en pivotant, dévoile un intérieur cossu de lambris et parquet, où le chic n'est pas loin du clinquant comme en témoigne l'obsession du vieillard à faire sa gymnastique et à couvrir ses mèches argentées d'un ridicule postiche.
Exposés sous verre comme dans un musée privé, les très symboliques Anubis et livre d'heures apportent un arrière-plan réflexif sur ce personnage qui refuse de voir le temps passer et souhaite au plus vite se marier et avoir une descendance pour priver son neveu Ernesto de l'héritage. Dans la seconde partie, c'est sa jeune épouse Norina qui prend le contrôle de la maisonnée, transformant le lieu en délire kitsch fuschia avec mini-train chargé de cadeaux transportés par un personnel en cortège de lutins que surveillent deux immenses bonhommes de neige gonflables.
C'est en observant les rouages de l'action qu'on perçoit toute l'ambiguïté de la dramaturgie. Norina est présentée comme une femme de ménage parmi le petit personnel anonyme au service de Don Pasquale. Malatesta et elle entretiennent une relation amoureuse plus importante que celle qu'elle est censée avoir avec Ernesto. Ce détail éclaire d'un jour particulier le stratagème échafaudé pour organiser à la fois la tromperie du barbon et celle du neveu sans qu'on sache au juste qui de Norina ou de Malatesta est le plus à la manœuvre pour emporter la mise.
Don Pasquale est porté par un Lucio Gallo capable de dissimuler une ligne vocale parfois confuse sous une allure comique et cabotine. La Norina de Vuvu Mpofu plante ses aigus très vibrés tels des banderilles sur sa pauvre victime. Le dessin général est admirable de précision et d'effusion, écho idéal à la prestation de Germán Olvera, dont le phrasé très élancé et coloré donne à Malatesta une allure très fellinienne. Marco Ciaponi se prête de belle manière à cet Ernesto dessiné tel un personnage naïf et bohème, avec l'éclat et la projection d'une ligne très volubile.
La direction de Giulio Cilona assure le spectacle, ménageant des effets entre virtuosité aérienne et gourmandise des accents rythmiques. Maître d'œuvre de cette entreprise réjouissante et goguenarde, il sait actionner tous les leviers qui font le succès d'une soirée pyrotechnique et divertissante.
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