|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
|
Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä, avec le concours du baryton Peter Mattei à la Philharmonie de Paris.
Triomphe volontariste
Le dernier concert de l’année de l’OP avec Mäkelä offre une pièce amusante de Chin et une lecture magistrale d’Atmosphères de Ligeti. La Cantate 82 de Bach hésite entre différents styles tandis que la Symphonie n° 4 de Brahms passe à côté des soubassements organiques de son écriture et perd de son unité au profit d’une vision tonitruante.
|
|
Wozzeck chez Big Brother
L’art de célébrer
Géométrie de chambre
[ Tous les concerts ]
|
Un accord qui rappelle furieusement Coriolan. L’œuvre écrite en hommage à Beethoven par Unsuk Chin commence bien, et même de manière réjouissante puisque cette déflagration se termine dans un bruit de vaisselle cassée. Humour assumé : qu’en est-il de l’héritage beethovénien ? Subito con forza cultive les citations pendant cinq minutes et cherche la surprise permanente avant de se résoudre en do mineur. Klaus Mäkelä qui a créé en 2020 à Amsterdam cette pièce en forme de lever de rideau s’y montre très à l’aise et mutin, restituant à merveille l’ambivalence des effets musicaux voulus par la compositrice. L’impression est tout autre avec le chef-d’œuvre de Bach qui suit au programme.
La Philharmonie donne régulièrement à entendre des œuvres vocales de Bach. Ici pour la cantate Ich habe genug l’effectif réduit exigé par l’œuvre surexpose les solistes dans la vaste acoustique de la salle Pierre Boulez. Peter Mattei semble au début inquiet de ne pas se faire entendre : il force l’émission et accentue la prononciation au point d’ajouter des consonnes dans son premier air. Le hautboïste de l’Orchestre de Paris, l’excellent Alexandre Gattet, n'est pas en reste, et que dire des quelques cordes surdirigées par le chef ? C’est beau et musical mais il y a comme un malaise stylistique à la fois évident et indéfinissable, une sorte d’entre-deux qui fait que la cantate ne trouve pas sa place. Le chef et son orchestre retrouvent toute leur acuité pour le début de seconde partie de soirée.
L’effectif demandé par Atmosphères de Ligeti est important. Sous la direction aussi précise que souple de Mäkelä, les musiciens déploient une pâte orchestrale d’une grande beauté, un tour de force lorsque l’on sait que chacun des instrumentistes à cordes joue sa propre partie musicale. Au-delà de la performance technique l’ensemble atteint toute sa portée poétique jusque dans les stridences de l’extrême saturation polyphonique. Le principe très organique de cette musique de l’immobilité traversée par de multiples événements n’est pas sans rapport avec la structure de la dernière œuvre du programme, la Symphonie n° 4 de Brahms, mais Mäkelä en donne une interprétation volontariste.
L’Orchestre de Paris en superbe forme en donne une lecture bouillonnante à mille lieux de la fragilité de celle d’Herbert Blomstedt en 2021. Mäkelä a choisi de conserver les soixante cordes, un effectif qui force les vents à la surenchère dynamique. L’Allegro non troppo perd de son lyrisme au profit de l’articulation rythmique relancée constamment et parfois de manière trop insistante par le chef.
S’il paraît moins interventionniste pendant le mouvement lent, ce n’est que du point de vue de la gestique, car les inflexions demeurent volontaristes. Les deux autres mouvements le retrouvent à plein régime. Il y a de l’impétuosité et du souffle dans cette interprétation, toutefois tous les événements procèdent de la baguette du chef alors qu’ils devraient découler d’abord de la structure organique de cette écriture. Le solo de flûte du final y perd son mystère, les variations de la passacaille leurs subtilités mais conduisent à un triomphe indescriptible.
| | |
|
Philharmonie, Paris Le 13/12/2023 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä, avec le concours du baryton Peter Mattei à la Philharmonie de Paris. | Unsuk Chin (*1961)
Subito con forza (2020)
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Cantate BWV 82 (1727)
Peter Mattei, baryton
György Ligeti (1923-2006)
Atmosphères (1961)
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie n° 4 en mi mineur, op. 98 (1885)
Orchestre de Paris
direction : Klaus Mäkelä | |
| |
| | |
|