Intitulé Transfiguré - 12 vies de Schönberg en référence à la série dodécaphonique, le spectacle mis en scène par Bertrand Bonello retrace le parcours artistique de cette figure de proue de la Seconde École de Vienne avec douze incontournables de son répertoire. Une idée captivante avec laquelle Bonello réussit ce qui s’apparentait à une entreprise complexe : concilier ou réconcilier tout un chacun avec la musique de Schönberg.

La clarté du concept se marie parfaitement avec un projet poétique où la peinture de Schönberg – en particulier ses autoportraits – dialogue avec les personnages de Pelléas et Mélisande, d’Erwartung et de Pierrot lunaire. Parachevé par sa plastique minimaliste et moderne, parfaitement en accord avec la direction de la cheffe Ariane Matiakh, le spectacle porte avec intelligence l’œuvre du compositeur.

Le déroulement chronologique choisi donne clairement à entendre l’évolution du langage musical tout en montrant comment l’appréhension de l’antisémitisme s’est immiscée dans sa création. Le concert s’ouvre avec deux extraits de la période postromantique, La Nuit transfigurée et Pelléas et Mélisande, dont l’Orchestre de Paris se saisit adroitement mais sans fougue tandis que deux comédiens, incarnant les rôles-titres du poème symphonique, dialoguent entre rêve et réalité.

Cette oscillation devient alors le fil rouge du spectacle qui mêle projection de vidéos filmées avec les comédiens – diffusée sur trois écrans dont l’un en rideau translucide – action scénique, récitation touchante des poèmes de Pierrot lunaire et diffusion de la voix de Schönberg.

Le pianiste David Kadouch s’illustre dans les nombreuses pièces pour piano qui pavent l’œuvre de Schönberg : Trois pièces op. 11, Six petites pièces op. 19, Suite op. 25, Concerto op. 42, toutes sont défendues avec ferveur et rondeur de son. Cette rondeur, la soprano Sarah Aristidou peine à la trouver dans Erwartung mais fait cependant resplendir sa voix veloutée dans les Drei Lieder après avoir montré la maîtrise du Sprechgesang dans Pierrot lunaire.

Deux grandes œuvres religieuses, l’une d’inspiration chrétienne et l’autre juive, font intervenir le Chœur de l’Orchestre de Paris. L’hymne à la paix Friede auf Erden fait temporairement souffrir les pupitres féminins qui plafonnent dans les aigus, mais le Kol Nidre, qui renoue avec la tonalité, clôt avec éclat un spectacle didactique et captivant qui éveille le désir de compléter cette aventure Schönberg avec d’autres de ses œuvres.