Plus à l’aise dans les grands tutti, comme le prouve l’interprétation de Noces de Stravinski en fin de concert, que dans la dentelle des Images pour orchestre de Debussy, Esa-Pekka Salonen ne réussit pas à capturer la magie de l’orchestration originale du compositeur français. Les Images doivent inviter à voyager au son d’une gigue festive, d’une Ibérie bariolée et d’un printemps chantant avec la touche d’inquiétude que Debussy a subtilement instillée dans son triptyque.

Rien de tout cela sous la baguette du chef finlandais qui, en ne tirant pas parti de nuances chaleureuses et chamarrées, donne une interprétation froide bien que techniquement maîtrisée. Iberia échappe partiellement à cet écueil grâce à la tension et à l’attention portée entre des sections aux atmosphères rapidement changeantes. Malgré une direction maniérée, l’Orchestre de Paris tire son épingle du jeu avec une petite harmonie, notamment les bassons, très impliquée, et des cuivres veloutés.

Entre chacun des mouvements des Images sont intercalées des pièces pour piano de Debussy de la même période ou avec des influences similaires. On ne peut que se réjouir de ces mises en regard qui font évoluer le format du concert comme Salonen a l’habitude de le faire avec le San Francisco Symphony.

Interprétée par Jean-Yves Thibaudet placé à jardin en bord de scène, La Cathédrale engloutie, aux aigus trop agressifs et au tempo rapide peu cohérent avec l’aura de ce prélude, précède Gigues. En introduction d’Iberia, le rythme d’habanera de La Puerta del Vino manque de relief tout comme La Sérénade interrompue qui ne parvient pas à tenir son mordant sur la longueur.

La seconde partie du concert, dévolue à la Fantaisie pour piano et orchestre et à Noces de Stravinski réorchestrées par Steven Stucky, met mieux en valeur les interprètes. Naviguant avec aisance entre dialogue avec l’orchestre et passages solistes, le pianiste donne avec verve la virtuose partition de Debussy, dans un son clair et brillant parfaitement fondu dans l’orchestre, cette fois bien coloré.

La réorchestration de Noces, commandée par Salonen pour concorder avec l’effectif du Sacre, garde la finesse des parties de percussion et ajoute de la masse sonore avec des cuivres chatoyants. L’œuvre, brillamment interprétée par l’orchestre, le chœur et les quatre solistes, dans la langue russe originale, est accompagnée d’un dessin animé qui narre les noces de deux mille-pattes dans les égouts tout en servant de surtitrage. En cherchant à appliquer la direction artistique du SFS à l’œuvre de Stravinski, le concept tombe à l’eau car il n’est pas assumé sur toute la durée du concert. Pourtant, les Images de Debussy auraient aussi pu se prêter à une réalisation visuelle.