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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Symphonie n° 6 de Mahler par l’Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Mikko Franck à l’Auditorium de Dijon.
Hymne Ă la vie
Hors les murs à l’Auditorium de Dijon la veille de son habituel rendez-vous avec le public de la Maison de la Radio, Mikko Franck, avec un Philhar en forme olympique, donne une Sixième Symphonie de Mahler faisant fi du tragique au profit d’une lecture qui n’accepte la terrible issue fatale qu’en sa dernière extrémité ; et encore…
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Dès les premières mesures, qui filent droit et energico devant un Auditorium de Dijon comble, Mikko Franck semble tourner le dos à la noirceur de cette Sixième Symphonie dont Mahler lui-même avait validé le sous-titre Tragique à la création viennoise de 1907. Le chef finlandais évacue tout pathos, toute atmosphère macabre au profit d’une lecture qui cherche à en découdre avec le destin, traquant la moindre éclaircie à contre-pied de toute une tradition funèbre.
Le thème d’Alma déborde de vitalité et d’espoir, gardant quelques traces de rubato pour ses seules dernières mesures, toujours dans la relance. En toute logique, Mikko Franck privilégie des tempi prestes, un Scherzo tirant tous azimuts, un Andante moderato parfait de respiration et d’avancée, pas englué le moins du monde dans les mauvais présages, et un Finale fouetté, combatif jusqu’en ses derniers instants.
On a même droit à l’ordre des mouvements centraux le plus logique – quoique devenu minoritaire – quant au cheminement dramatique de l’œuvre : Scherzo-Andante, conforme à l’idée de départ de Mahler sinon à sa pratique au concert. Pendant les deux premiers mouvements, le chef du Philhar, dont on connaît les sérieux problèmes de dos, dirige au milieu des musiciens, au pied de son podium où trône une chaise sur laquelle il s’appuie parfois quelques secondes.
Au cours du Scherzo, après avoir descendu la chaise à son niveau, il ne cesse de s’asseoir pour se relever aussitôt sans trouver son confort, ce qui rajoute au caractère sur des charbons ardents des changements de mesure de cette page où Mahler atomise le matériau de son premier mouvement. À partir de l’Andante, il se pose enfin pour mener la Sixième à sa catastrophe finale assis.
Tout en éclaircissant beaucoup de zones d’ombre, il met en valeur les timbres rares et notamment le célesta et les deux harpes, d’un suprême raffinement, placés derrière les premiers violons, et envisage la page alpestre du mouvement liminaire non comme un écho de la solitude nocturne de l’homme face à l’immensité, mais telle une parenthèse diurne où les cloches de troupeau, très actives, campent une atmosphère terrienne, simple et naïve.
L’enthousiasme contagieux des musiciens, d’une tenue exemplaire, et de leur chef toujours sur le qui-vive, allège beaucoup le Finale, abordé comme un combat presque joyeux contre la mort, y cédant uniquement sur l’ultime et fracassant fortissimo brisant le silence in extremis. Et encore, seul le coup de grosse caisse étouffé sur le dernier pizz semble vraiment signer l’acceptation de la défaite de l’homme face à son destin. Fascinante interprétation transformée en hymne à la vie.
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Auditorium, Dijon Le 15/02/2024 Yannick MILLON |
| Symphonie n° 6 de Mahler par l’Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Mikko Franck à l’Auditorium de Dijon. | Gustav Mahler (1960-1911)
Symphonie n° 6 en la mineur (1904)
Orchestre philharmonique de Radio France
direction : Mikko Franck | |
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