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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Récital du pianiste Andreï Korobeinikov au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Vision persistante
Andreï Korobeinikov démontre une nouvelle fois sa forte personnalité. Après une première partie Beethoven à la limite de l’explosion, des Schumann et un Scriabine encore plus sombres qu’à l’accoutumée, l’interprète trouve l’équilibre sans rien renier de la radicalité de ses approches pour un Messiaen contemplatif et un Opus 111 de Beethoven d’anthologie.
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Ignaz Moscheles disait que la Fantaisie op. 77 de Beethoven lui rappelait le souvenir des improvisations au clavier du maître. Avec sa succession de fragments de gammes inachevées, ses arpèges précipités, ses thèmes qui se désagrègent sous nos oreilles, l’œuvre garde le pouvoir de déconcerter. Surtout lorsqu’elle est empoignée comme ce soir par Andreï Korobeinikov : à une vitesse d’enfer, il accuse tous ces effets et produit une sorte d’alternance entre tsunami musical et épure. Le rondo surnommé Colère pour un sou perdu fait l’objet d’un traitement comparable pour un résultat différent, plein de saillies drolatiques.
Le pianiste force encore les contrastes en présentant ensuite quelques extraits des Fantasiestücke op. 12 de Schumann dans une esthétique hypnotique. Du Soir à Dans la nuit, en passant par L’Essor et Pourquoi ?, Korobeinikov cultive les failles schumaniennes. Il passe en fin de première partie à l’univers tout autant troublé de Scriabine, avec la Sonate n° 4 en fa# majeur. L’interprète impose une ambiance ambivalente comme hypnagogique conduisant à un état hallucinatoire avec le Prestissimo volando.
La seconde partie de récital se fait plus apaisée avec Le Baiser de l’Enfant-Jésus, l’un des Vingt regards de Messiaen. Une excellente préparation à l’interprétation radicale à laquelle le pianiste soumet la Sonate n° 32 en ut mineur de Beethoven, en distendant les tempos tout en faisant montre d’une extraordinaire maîtrise rythmique. L’effet dramatique de ce jeu captive aussi par sa profondeur bouleversante.
Une série de trois bis confirme l’éloquence assumée du musicien. La transe progressive sans hystérie de Vers la flamme de Scriabine atteint un lyrisme extatique. Une des Bagatelles op. 33 de Beethoven jouée comme un tourbillon fait un précipité bienvenu avant le retour de la passion avec un Prélude de Rachmaninov à l’intensité chromatique qui se prolonge tard dans la nuit.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 12/04/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Récital du pianiste Andreï Korobeinikov au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Fantaisie pour piano, op. 77 (1809)
Rondo du sou perdu, op. 129 (1795)
Robert Schumann (1810-1856)
Fantasiestücke, op. 12 (n° 1, 2, 3 et 5) (1837)
Alexandre Scriabine (1871-1915)
Sonate pour piano n° 4 en fa# majeur, op. 30 (1903)
Olivier Messiaen (1908-1992)
Le baiser de l’Enfant-Jésus, (Vingt regards sur l’Enfant-Jésus) (1944)
Ludwig van Beethoven
Sonate pour piano n° 32 en ut mineur, op. 111 (1822)
AndreĂŻ Korobeinikov, piano | |
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