Souvent à la limite du chant lyrique classique avec des ouvrages populaires comme L’Opéra de quat’ sous ou Les Sept péchés capitaux, Kurt Weill touche à la comédie musicale dès son immigration états-unienne, où il compose en 1946 Street Scene, d’après la pièce éponyme d’Elmer Rice, sur des paroles de Langston Hughes.

Déjà vue en 2010 à l’Amphithéâtre Bastille avec une ancienne Académie de l’Opéra dans laquelle apparaissaient les noms de Marianne Crebassa, Cyrille Dubois, Alexandre Duhamel ou Florian Sempey, l’œuvre avait ensuite été remise à l’honneur en 2013 grâce à la production de John Fulljames au Châtelet. Elle revient aujourd’hui à la MC93 de Bobigny dans une proposition de Ted Huffman, qui place la fosse d’orchestre au centre d’une scène sur laquelle tous les acteurs/chanteurs évoluent tout autour et sur les gradins.

Ajustée en une heure trente d’extraits, l’action se déroule donc sur un grand contour blanc, ajusté par des lumières dont le brusque passage au rouge au moment des coups de feu de Maurrant – il assassine sa femme et son amant Sankey (Teddy Chawa) – fera étonnamment rire de surprise une partie du public. Tous très dynamiques dans des costumes de trentenaires des années 1970 et 1980, les jeunes chanteurs devant jouer des personnages plus vieux perdent cependant avec cette proposition la possibilité de parfaitement caractériser leurs rôles.

Malgré une suramplification par une projection très centrale vers le public, certains artistes apparaissent à leur tour prometteurs, à commencer par la magnifique soprano Margarita Polonskaya, Anna Maurant remarquable par la beauté du timbre et la tenue d’un chant superbe de densité dès le premier petit air. Son mari sur scène (Frank Maurrant) se démarque presque autant par la présence et l’assise de grave du baryton Ihor Mostovoi, tandis qu’il faut attendre la seconde intervention de leur fille Rose pour apprécier le joli soprano léger à l’anglais parfait de Teona Todua.

Des autres familles de cette rue de Manhattan, nous pouvons aussi parier sur la Greta au timbre coloré de Sima Ouahman et apprécier l’Emma Jones au médium bien projeté de la mezzo Seray Pinar, en plus d’être attiré par le Sam Kaplan du ténor Kevin Punnackal, dont le chant enjôleur manque encore un peu d’assurance dans Lonely House pour mieux se libérer avec ses autres interventions.

Au centre de la fosse, Yshani Perinpanayagam lance avec force et vigueur un ensemble fait de l’Académie de l’Opéra de Paris aussi ainsi que de l’Orchestre Ostinato, qui se démarque plus par son énergie que par son swing durant toute la représentation, même si des individualités comme le piano, la contrebasse solo ou la batterie parviennent à y procurer de beaux moments jazzy.