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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Symphonie n° 8 de Bruckner par l’Orchestre de Paris sous la direction de Herbert Blomstedt à la Philharmonie de Paris.
Printemps tardif
Le plus vieux et le plus résiliant des chefs en activité, Herbert Blomstedt, 96 ans, est de retour à la Philharmonie de Paris pour une Symphonie n° 8 de Bruckner jamais alanguie ou brumeuse, mais au contraire pleine de vie et de simplicité. Les musiciens de l’Orchestre de Paris donnent leur maximum dans une performance irradiante.
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À l’annonce, en décembre dernier, d’une nouvelle chute du chef Herbert Blomstedt le forçant à annuler tous ses concerts jusqu’à nouvel ordre, on a craint de ne jamais le réentendre. La bonne nouvelle de la reprise des activités du nonagénaire en ce début de mois s’est accompagnée d’une interrogation : de retour, oui, mais avec quelles capacités ? Et puis, dès le premier service de répétition avec les musiciens de l’Orchestre de Paris, le bruit s’est répandu qu’il ne lâchait rien, remettant sur le métier comme au premier jour cette Symphonie n° 8 de Bruckner qu’il connaît si bien et qu’il avait déjà donnée avec les forces parisiennes à la Brucknerfest de Linz en 2012.
Ce soir, alors que le public s’installe progressivement dans la salle Pierre Boulez, le premier violoncelle solo de l’orchestre, Éric Picard, travaille ses traits seul sur la scène. La tension est palpable lorsque vingt minutes plus tard, Blomstedt entre au bras du premier violon invité pour s’asseoir avec précaution sur le banc disposé face aux musiciens. De fait, l’attaque de l’Allegro moderato surprend par sa verdeur et son allant. Le trémolo des violons sonne nerveux et les cuivres se montrent presque précautionneux.
Progressivement, l’unité se fait. Par ses gestes clairs qui ne manquent jamais de donner les entrées, le chef construit avec ses musiciens une vision non pas écrasante mais implacable jusqu’à son évanouissement, puisque c’est l’habituelle version révisée de 1890 qui est donnée, débarrassée de la redondante coda fortissimo que le compositeur avait initialement conçue en 1887. Le Scherzo sans lourdeur ne cède rien, d’une superbe accroche comme un bois gravé ancien, et en son sein le Trio avec les arpèges des trois harpes d’une qualité presque surnaturelle sonne comme un rêve fugitif et inaccessible.
La soirée bascule avec l’immense Adagio, presque une symphonie dans la symphonie. Respectant l’indication doch nicht schleppend, Blomstedt veille à ne pas traîner mais laisse éclore l’orchestre avec une délicatesse bouleversante. Il n’y a ici aucun pathos, juste une simplicité désarmante dont le secret est peut-être une maîtrise exceptionnelle de la dynamique et de la balance orchestrales. Dans les tutti, l’orchestre parvient à un état de fusion idéal. Les cantilènes successives montrent une intégration parfaite à l’ensemble, comme l’arrivée du second thème aux violoncelles sur fond de sfumato aux cuivres.
Cet état de grâce se poursuit dans le Finale. D’une articulation rythmique impeccable tant le timbalier semble connecté au chef, ce récapitulatif génial des mouvements précédents atteint une force d’évocation maximale servie par la douceur des cordes, le fruité de la petite harmonie et des cuivres en pâmoison. Plus que jamais la coda sonne comme un condensé de vie. L’ut majeur conclusif apporte la réconciliation qui se prolonge par un long silence dans la salle. À 96 printemps, Herbert Blomstedt montre que l’expérience, pour un chef, c’est aussi savoir donner la liberté aux musiciens pour une floraison maximale.
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Philharmonie, Paris Le 24/04/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Symphonie n° 8 de Bruckner par l’Orchestre de Paris sous la direction de Herbert Blomstedt à la Philharmonie de Paris. | Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n° 8 en ut mineur, A. 117
Version révisée de 1890
Orchestre de Paris
direction : Herbert Blomstedt | |
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