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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Fidelio de Beethoven sous la direction de Gustavo Dudamel et dans une mise en scène d’Alberto Arvelo à la Philharmonie de Paris.
Sous le signe du grand sourd
L’utilisation de la langue des signes et de toute la force du langage visuel par les artistes du Deaf West Theatre compensent de manière imprévue les faiblesses dramatiques du Fidelio dirigé par Gustavo Dudamel. Dans ce contexte, la distribution vocale réunie à la Philharmonie de Paris peine à s’imposer, même si l’œuvre finit toujours par triompher.
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À l’opéra, le doublement des personnages constitue souvent un écueil rédhibitoire alourdissant le propos. Ce soir, à chaque chanteur de Fidelio est associé un acteur sourd du Deaf West Theatre de Los Angeles. En remplacement des récitatifs et dialogues, les comédiens utilisent la langue des signes tandis que le surtitrage affiche très classiquement le texte dans un silence de plus en plus religieusement respecté par le public au fil de la représentation.
Dans une mise en scène d’une belle simplicité qui confine à la mise en espace (point de décors dans la salle Pierre Boulez), les chanteurs laissent toute l’expressivité gestuelle aux acteurs dont on admire la grâce et la justesse dramatique : une formidable galerie de personnages donne pleinement vie à ce drame du combat pour la liberté. Tous seraient à citer, mais on relève particulièrement le talent d’Amelia Hensley jouant Leonore et celui de Giovanni Maucere incarnant Don Pizarro. Tout juste peut-on regretter des costumes hésitants entre l’ethno-chic et les rideaux recyclés, notamment pour les chanteurs, peu gâtés, à l'exception de Patrick Blackwell en Don Fernando qui fait une arrivée sensationnelle digne d’un roi d’Afrique.
Grossièrement attifée, Tamara Wilson ajoute un nouveau rôle à son répertoire. Sa haute tessiture lumineuse fait merveille dans la scène où elle révèle son identité mais a contrario il lui manque du bas-médium pour convaincre de son travestissement au premier acte. Voix superbement projetée, le Florestan d’Andrew Staples évoque davantage le dolorisme d’un évangéliste que la révolte du prisonnier d’opinion. En Pizarro, Shenyang soigne son legato mais ne paraît jamais menaçant. James Rutherford fait un Rocco d’une présence chaleureuse, tandis que Gabriella Reyers et David Portillo donnent toute satisfaction.
Après son passage écourté à l’Opéra de Paris, on savait la direction de Gustavo Dudamel peu opératique. Le chef aborde Fidelio comme une œuvre concertante voire chambriste et donne à entendre une plastique orchestrale d’un fini fascinant. Mais cette approche rend trop statique la scène des prisonniers grevée par un chœur mastoc, et reste curieusement peu sensible à la dialectique obscurité/lumière au cœur de cette composition. Heureusement, en grand prêtre du soleil qu’il est, Dudamel lâche toutes ses forces pour un dernier tableau à la liesse contagieuse.
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