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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 décembre 2024 |
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Reprise de Così fan tutte de Mozart dans la mise en scène d’Anna Teresa De Keersmaeker, sous la direction de Pablo Heras-Casado à l’Opéra de Paris.
Così en concert
La troisième reprise de Così selon Anna Teresa De Keersmaeker au Palais Garnier bénéficie d’une bonne distribution vocale avec les débuts prometteurs du ténor Josh Lovell en Ferrando. Mais c’est la direction de Pablo Heras-Casado, prodigue en nuances et animée d’une véritable progression dramatique, qui s’avère déterminante.
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Accueilli très fraîchement dans ces colonnes par Gérard Mannoni lors de sa création en janvier 2017, le travail de la chorégraphe Anna Teresa De Keersmaeker ne s’est ni bonifié ni altéré tant son propos se réduit à peu de choses et son expression ne dépasse pas une neutralité passe-partout. La chorégraphie ressort d’une stylisation décorative vaguement moderne, la direction d’acteur appartient à la tradition de l’opéra de grand-papa, tandis que le décor inexistant accuse sous une lumière crue la vacuité de la production.
Le pire survient lors des ensembles où De Keersmaeker dispose très régulièrement chanteurs et danseurs en arc-de-cercle comme à une réunion d’un groupe d’entraide. Ailleurs, le doublement des personnages par les danseurs apporte un peu de vie, mais semble aussi gêner fréquemment les chanteurs, et de toute évidence, seul parmi ces derniers le baryton Paulo Szot, présent depuis la première série, semble complétement à l’aise sur scène. Véritable locomotive dramaturgique, son Don Alfonso mordant et savoureux mène en quelque sorte la danse.
Ses deux amis ne manquent pas de caractère. Au premier chef, Gordon Bintner, beaucoup plus à l’aise ici que chez Charpentier sur cette même scène, fait un Guglielmo à la présence autant vocale que physique qui ne déparerait pas en Don Giovanni ou en Comte des Noces de Figaro. Le chanteur ne nuance peut-être pas assez mais expose un instinct dramatique sûr. Le choix de Josh Lovell pour Ferrando se révèle très heureux. Pas évaporé pour deux sous, son timbre qui évoque un hautbois s’intègre très bien à celui de son comparse, et l’acteur trouve un juste milieu entre assurance et trouble.
La distribution féminine appelle quelques menues réserves. Hera Hesang Park donne une Despine de bon aloi, avec un très joli médium mais des aigus tonitrués à deux reprises comme pour voler la vedette à ses camarades. Pourtant, les deux sœurs paraissent trop souvent sur la réserve, en particulier la Fiordiligi de Vanina Santoni, qui privilégie la fluidité sur la caractérisation avec un Come scoglio trop peu affirmé. En Dorabella, Angela Brower fait bien meilleure impression que dans Les Contes d’Hoffmann de début de saison. Sans tirer le maximum de ses airs, la mezzo brille davantage dans les ensembles où sa ligne témoigne d’une jolie musicalité.
Dans la fosse, la direction de Pablo Heras-Casado constitue l’excellente surprise de cette reprise. Le travail sur les sonorités ravit l’oreille avec une belle clarté des vents et une mention spéciale pour le pianoforte des récitatifs. Sans chercher l’originalité, le chef espagnol reste un soutien attentif aux chanteurs et parvient avec une belle progression à mettre le feu au final des deux actes.
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