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CRITIQUES DE CONCERTS |
08 octobre 2024 |
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Reprise du festival d’été de La Clémence de Titus de Mozart dans la mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Franco Capuano du festival de Pentecôte de Salzbourg 2024.
Salzbourg 2024 (3) :
Le loup et les agneaux
Titus sérieux et maîtrisé de Carsen avec un cast inégal dominé par une Cecilia Bartoli inspirée et magnifié par la direction fouillée de Gianluca Capuano. Si la transposition reste superficielle, la dramaturgie et la modernité musicale du dernier opera seria de Mozart font mouche dans une production efficace et enlevée.
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La Clémence de Titus avait dans l’idée de Métastase le double but de flatter et éduquer les puissants par l’exemple sublime d’un souverain magnanime habité par le sens du devoir. Robert Carsen transpose l’action dans un parlement italien contemporain : voilà Titus président du conseil, Daniel Behle irréprochable, juste assez techno juste assez falot pour être touchant, aux prises avec les manigances de Vitellia-Meloni, Alexandra Marcellier autoritaire et univoque, grave épais et émission dure.
Dans une scénographie typique en blanc et noir, les personnages sont les rouages de ces cercles du pouvoir où se prennent les décisions ; Publio (luxueux Ildebrando d’Arcangelo) se laisse acheter par une Vitellia femme fatale qui, avant d’assassiner Titus et de s’installer sur le trône dévore tout cru le Sesto dépassé de Cecilia Bartoli, tout en fragilité et en phrasé, stratosphérique dans le pianissimo et l’intériorité.
Avec l’Annio beaucoup plus inégal d’Anna Tetruashvili – les deux personnages sont assumés en tant que femmes par le metteur en scène, alors qu’on ne se serait pas vraiment posé la question tant leur tailleur pantalon et leurs cheveux lâchés laissaient le spectateur dans la plus grande fluidité de genre –, et la luminescente Servilia de Mélissa Petit, franche comme l’or de timbre et de caractère, ils n’opposent que leur bonne foi aux calculs froids de l’ambition. Le pouvoir se donne à celui qui le désire le plus, selon le mot d’un ancien président français à talonnettes.
Heureusement règne sur la fosse et le plateau la direction inspirée, captivante, organique de Gianluca Capuano, moins inventive qu’attentive au verbe, qui insuffle une mélancolie digne de Così aux nombreux ensembles et pages suspendues de l’ouvrage, ainsi que de sombres relents infernaux dans l’incendie du Capitole. assument des couleurs fruitées et des tempi engagés – Rondo de Sesto lentissime. Dans une diction plus ou moins heureuse, seuls les récitatifs virent au concerto pour continuo, alourdissant la progression ici pourtant très lisible de l’action.
Tout pertinente qu’elle est, la réflexion de Carsen semble pourtant quelque peu inaboutie : si c’est la clémence de Titus, l’empereur respectueux du droit, qui entraîne la chute de la démocratie, le message ne consiste-t-il pas alors à promouvoir l’abus de pouvoir et l’illibéralisme ? Devenir loup pour ne pas être dévoré ? Ou alors, s’agit-il d’une critique de la clémence en ce qu’elle enfreint la justice ? Après tout, si Vitellia et Sesto avaient été punis, Titus ne serait pas renversé. Mais Vitellia prend le pouvoir avant même d’avoir été identifiée, donc accusée, donc la justice n’aurait rien changé… Aussi en resterons-nous à l’impression d’une pensée assez générale et surtout anxiogène sur la fragilité des démocraties. Ce qui n’est déjà pas idiot.
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