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CRITIQUES DE CONCERTS 11 décembre 2024

Nouvelle production du Joueur de Prokofiev dans une mise en scène de Peter Sellars et sous la direction de Timur Zangiev au festival de Salzbourg 2024.

Salzbourg 2024 (6) :
Prokofiev téléphone maison

© Ruth Walz

Production spectaculaire mais old school pour le difficile Joueur de Prokofiev à Salzbourg. Plutôt qu’un Las Vegas contemporain, le travail de Peter Sellars, avec ses roulettes géantes façon soucoupes volantes, évoquerait le cinéma de science-fiction des années 1980. La musique est en revanche à la fête, et notamment une distribution absolument ébouriffante.
 

Felsenreitschule, Salzburg
Le 20/08/2024
Yannick MILLON
 



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  • DostoĂŻevski est Ă  l’honneur Ă  Salzbourg, entre L’Idiot de Weinberg et ce Joueur de Prokofiev qui fut le premier opĂ©ra conçu d’après le romancier russe. Ouvrage maudit, privĂ© de scène par la RĂ©volution russe, et crĂ©Ă© en 1929 Ă  Bruxelles après bien des cahots. Le livret reste très fidèle au roman, avant une conclusion qui laisse de cĂ´tĂ© l’exil d’AlexeĂŻ Ă  Paris, sur un ton gĂ©nĂ©ralisĂ© de conversation en musique en rupture avec l’opĂ©ra romantique.

    Pour cette intrigue des casinos, Peter Sellars joue la carte du spectaculaire, en créant une espèce de Las Vegas couvert de la mousse des tapis de jeu, des miroirs recouvrant la plupart des arcades du Manège des rochers pour mieux réfléchir des éclairages brutaux, aux virages chromatiques sans subtilité.

    Seul véritable élément scénographique, sept roulettes géantes qui montent et descendent des cintres avec un bruit de drone, et clignotent de toutes les couleurs. Drôle de sensation qui évoque davantage le cinéma de science-fiction old school, quelque part entre Rencontre du troisième type et E.T. l’extra-terrestre.

    Au milieu des scintillements et des paillettes, une distribution multi-ethnique typique du metteur en scène américain passe la représentation à courir en tous sens, jusqu’à ces deux gardiens de la paix qui menottent à qui mieux mieux dès lors qu’est évoquée la police. Même la Baboulenka est surexcitée au point d’envoyer valser fauteuil roulant et béquilles pour se tenir sur ses deux jambes.

    Si l’on doit reconnaître à Sellars une réelle virtuosité dans la scène ô combien complexe du jeu de la roulette, l’ensemble paraît constamment branché sur une ligne à haute tension mais n’en sent pas moins le réchauffé – les armes à feu et téléphones portables qui font remplacer les télégrammes du livret par des e-mails dans le surtitrage.

    Heureusement, la partie musicale est stratosphérique. Pour un ouvrage qui, dans d’autres circonstances, aurait pu échoir à Valery Gergiev, la baguette a été confiée à Timur Zangiev, qui privilégie les éclats massifs – fin du III, d’une brutalité terrible –, à la dentelle virtuose de notes répétées et de traits qui fusent. Le jeune Russe s’agace des petits décalages rythmiques avec le plateau, avec un Philharmonique de Vienne qui se plie avec maestria à ce répertoire contre-nature.

    Le plateau, enfin, est sidérant d’adéquation avec un ouvrage aussi peu vocal, et au premier chef l’Alexeï éclatant, constamment juvénile, de Sean Panikkar. Violeta Urmana balance ses aigus comme à la parade et poitrine un grave abyssal avec la délectation sadique de la Baboulenka trop vite enterrée par ses proches. Asmik Grigorian campe une Polina partagée entre passion et dédain, avec un feu constant qu’on aurait tant aimé entendre en Nastasia Filippovna dans L’Idiot.

    Général colossal de Peixin Chen, Marquis pincé à souhait de Juan Francisco Gatell, Mr. Astley distingué de Michael Arivony et Blanche très peste de Nicole Chirka, sans compter la vingtaine de rôles secondaires percutants de la scène de la roulette, concourent à donner ses lettres de noblesse à un opéra réputé injouable et inchantable.




    Felsenreitschule, Salzburg
    Le 20/08/2024
    Yannick MILLON

    Nouvelle production du Joueur de Prokofiev dans une mise en scène de Peter Sellars et sous la direction de Timur Zangiev au festival de Salzbourg 2024.
    Serge Prokofiev (1891-1953)
    Igrok, opéra en quatre actes op. 24 (1929)
    Livret du compositeur d’après le roman de Dostoïevski

    Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
    Wiener Philharmoniker
    direction : Timur Zangiev
    mise en scène : Peter Sellars
    décors : George Tsypin
    costumes : Camille Assaf
    Ă©clairages : James F. Ingalls
    préparation des chœurs : Pawel Marcowicz

    Avec :
    Peixin Chen (Le Général), Asmik Grogorian (Polina), Sean Panikkar (Alexeï), Violeta Urmana (Baboulenka), Juan Francisco Gatell (Le Marquis), Michael Arivony (Mr. Astley), Nicole Chirka (Blanche), Zhengyi Bai (Prince Nilski), Ilia Kazakov (Baron Würmerhelm), Joseph Parrish (Potapitch).

     


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