|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
|
Nuit du piano : Mozart, au festival de La Roque-d’Anthéron 2024.
La Roque 2024 (1) :
L’art subtil de transmettre
Styliste devant l’Eternel, le Vietnamien Dang Thaï Son, vainqueur du Concours Chopin en 1980, a longtemps été un musicien confidentiel chez nous. Installé depuis des lustres à Montréal, ce pédagogue recherché est l’invité de la Roque d’Anthéron pour une Nuit Mozart avec deux de ses plus talentueux disciples, l’Américain Eric Lu et la Canadienne Sophia Liu.
|
Parc du château de Florans, La Roque-d'Anthéron
Le 14/08/2024
Michel LE NAOUR
|
|
|
|
Triomphe du libertin
Le renoncement de Barbe-Bleue
Frénésie de la danse
[ Tous les concerts ]
|
Entrée en matière dans le Parc du Château de Florans bien avant la tombée du soir avec le longiligne Eric Lu qui a acquis ses lettres de noblesse en 2018 au Concours de Leeds qu’il remporta haut la main à l’âge de 20 ans. Ce disciple de Dang Thaï Son mais aussi de Jonathan Biss n’aborde pas le pré-beethovénien Concerto n° 20 de Mozart comme un combat dramatique, mais plutôt tel un long fil tendu où la fluidité du discours le dispute à l’élégance de la narration.
La Romance est distillée avec des doigts sûrs qui se posent sur le piano en nuances évanescentes entrecoupées d’ornements judicieusement intégrés. Le Rondo final énergiquement accompagné par Gordan Nikolić, dirigeant du violon le Sinfonia Varsovia, reprend un sentier lumineux sans pathos, recherchant l’allant et la communion, vision chambriste où s’échangent les regards entre musiciens.
Maître Son rejoint son ancien élève dans le salzbourgeois Concerto n° 10 pour deux pianos (1779) où Mozart réfrène sa tristesse (Andante) pour mieux exalter une joie en demi-teinte dans le Rondo final. Connivence d’approche où chacun se comprend dans une vision faite d’équilibre et de naturel au sein de l’écrin tendu par le divin Amadeus.
En deuxième partie, seul à la barre, Dang Thai Son insuffle au sublime Concerto en la majeur KV 488 un élan qui semble se jouer de la légèreté de la phrase (Allegro initial). La décantation atteint sa quintessence lors d’un Adagio impondérable au bord du souffle, promenade intemporelle où le public semble lui-même hors du temps. La délicatesse à fleur de peau, la fluidité arachnéenne, la sobriété au plus près du texte sont transcendées par un jeu subtil mais riche de propositions insoupçonnées.
Cette intimité n’est pas occultée par la conclusion ludique d’une légèreté de touche où l’envers du décor transparaît parfois au milieu d’un flux musical souple comme une liane mais sobrement articulé. Parfaite osmose avec la formation polonaise loin des épopées baroques et contrainte de se contrôler, en particulier au niveau de la projection des cuivres.
Le bouquet final offre le Concerto n° 7 pour trois pianos (1776), vrai plaisir partagé où deux disciples – Eric Lu et l’étonnante Sophia Liu qui, à 16 ans, fait déjà figure de soliste confirmée – prennent la part du lion au premier et second piano, laissant à leur professeur attentif le soin d’être le troisième partenaire délibérément moins sollicité par Mozart. Triomphe assuré, et remerciements en bis par Deux pièces pour six mains de Rachmaninov où trois ne font qu’un à la nuit tombée.
| | |
|
Parc du château de Florans, La Roque-d'Anthéron Le 14/08/2024 Michel LE NAOUR |
| Nuit du piano : Mozart, au festival de La Roque-d’Anthéron 2024. |
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre n° 20 en ut mineur KV 466
Concerto pour deux pianos et orchestre n° 10 en mib majeur KV 365
Concerto pour piano et orchestre n° 23 en la majeur KV 488
Concerto pour trois pianos et orchestre n° 7 en fa majeur KV 242
Dang Thai Son, Eric Lu, Sophia Liu, piano
Sinfonia Varsovia
direction : Gordan Nikolić | |
| |
| | |
|