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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Concert Richard Strauss de l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Gustavo Dudamel au festival de Salzbourg 2024.
Salzbourg 2024 (8) :
El Sistema ronron
Affiche pour le moins alléchante et déconvenue d’autant plus grande pour ce quatrième programme symphonique estival des Wiener Philharmoniker à Salzbourg. Tant dans les Quatre derniers Lieder avec une Asmik Grigorian à contre-emploi que dans une Symphonie alpestre vide de propos, Gustavo Dudamel montre un art considérablement embourgeoisé.
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Qu’il semble loin, le temps où le jeune prodige du Sistema retournait le public à coups de danses endiablées. Quinze ans plus tard, le chef quadragénaire, grisonnant et un peu empâté, dirige les plus grandes phalanges sans prendre le moindre risque. Dans des tempi vifs et une battue presque jamais décomposée, il file droit dans Quatre derniers Lieder en arrière-plan grouillant de sonorités de rêve, peu importe le contenu des poèmes de Hesse et Eichendorff.
On sait que le chef vénézuélien a toujours eu un rapport à la voix très abstrait, mais le bât blesse d’autant plus qu’Asmik Grigorian, entre deux Polina du Joueur de Prokofiev, déploie son format dramatique en contradiction avec la ligne flottante, d’essence mozartienne, du dernier Strauss. Legato déficient, manque de souplesse, de précision des attaques et volume démesuré tiennent ici du contresens. Une approche surdramatisée, où le chef reste accroché à la barre de mesure quand on aimerait dériver dans l’éther.
On s’imagine alors que la narration par le seul orchestre de la Symphonie alpestre sera plus convaincante, mais là encore, avec un Philharmonique de Vienne ne descendant jamais sous un bon gros mezzo-forte, Dudamel donne un exercice de style épatant au niveau technique, chaque difficulté résolue avec une baguette affûtée, mais passant complètement à côté de l’esprit de l’œuvre.
Ode à la randonnée, au rapport des Allemands et des Autrichiens à la nature, à la Bavière et au Pays de Salzbourg où l’on grimpe volontiers les sommets les plus escarpés, parfois face aux éléments déchaînés, l’Alpensinfonie trouve ici une exécution roborative, en technicolor et Dolby Atmos, qui brasse beaucoup de son mais peu de sens, une grande fresque d’art divertissement ignorant toute la donnée panthéiste d’une musique rendue à la simple boursouflure.
Alors certes, les seize premiers violons des Wiener ont des teintes rosées à pleurer dans Ausklang, la trompette du jeune Stefan Haimel offre un legato mordoré à se damner dans le Coucher de soleil, mais l’expérience proposée par Dudamel tient de l’attraction où l’on vous donne du vite et du fort pour éprouver le sentiment d’en avoir pour votre argent.
Pour ce qui est de la petitesse de l’Homme face à la Nature, de l’angoisse immémoriale sous l’orage homérique, de l’émerveillement devant les couleurs et parfums des alpages, du vague à l’âme une fois le sommet atteint, du frisson cosmique lorsque la lumière décroît, on repassera. Dudamel récite par cœur le ronron d’un texte dont il ne parle pas la langue.
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 24/08/2024 Yannick MILLON |
| Concert Richard Strauss de l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Gustavo Dudamel au festival de Salzbourg 2024. | Richard Strauss (1864-1949)
Vier letzte Lieder
Asmik Grigorian, soprano
Eine Alpensinfonie
Wiener Philharmoniker
direction : Gustavo Dudamel | |
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