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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Symphonie n° 6 de Mahler par l’Orchestre de la Radio bavaroise sous la direction de Sir Simon Rattle au festival de Salzbourg 2024.
Salzbourg 2024 (10) :
Corrosion mahlérienne
Clôture de Salzbourg en apothéose avec cette Sixième de Mahler par Rattle et la Radio bavaroise qui avait déjà stupéfait Paris avant de décevoir lors de la parution discographique d’un concert munichois antérieur. Le maestro fait feu de tout bois avec un orchestre abrasif, mené tambour battant, qui ne desserre jamais son étreinte.
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Les concerts de rentrée des orchestres invités à Salzbourg ne sont pas toujours synonymes de soirées mémorables. C’est pourtant le cas ce soir avec l’Orchestre de la Radio bavaroise dont Simon Rattle a pris la direction en 2023. Cette Sixième de Mahler qui avait laissé pantoise la Philharmonie de Paris le 3 octobre dernier nous avait pourtant moyennement séduit à la sortie du disque capté à Munich quelques jours plus tôt.
Question de prise de son sans doute, tant l’impression ressentie en salle est celle d’un impact sidérant – les timbales de Raymond Curfs, tout juste sorti de la fosse de Bayreuth. C’est aussi qu’après trois semaines à écouter les soieries de la Philharmonie de Vienne, l’irruption de l’ORB au Großes Festspielhaus fait l’effet d’un Apfelschorle fermenté, qui arrache le fond de la gorge.
La formation, trapue comme jamais, fait entendre pendant une heure vingt des timbres de pure corrosion – les cuivres bouchés, la percussion, ce contrebasson ferraillant à l’envi – qui s’empilent sans jamais se fondre. Fascinante plongée dans un univers de fulgurances, de saillies d’une lisibilité absolue, d’une vraie caractérisation des états d’âme exacerbés d’une œuvre dont le compositeur accepta le qualificatif « tragique » à sa première viennoise.
Rattle, qui débute prestement et sait faire de la reprise de l’exposition plus qu’une simple redite, conserve toujours de la dynamique et de l’énergie sous la semelle, structurant ses masses avec une netteté de plans totale, jusque que dans l’évocation des alpages avec ces cloches de troupeau hors scène à jardin d’une variété de couleurs inouïe.
C’est aussi sans doute la première fois que le placement en seconde position de l’Andante moderato nous paraît presque acceptable, tant le chef britannique lui refuse le côté parenthèse extatique après deux mouvements motoriques qui s’impose lorsque le Scherzo succède au premier mouvement. Sentiment renforcé par l’enchaînement du Scherzo et du Finale, tels deux ramifications d’une même branche.
Les bouffées mélancoliques teintées d’angoisse du mouvement lent dont l’urgence donne l’impression de marcher sur des charbons ardents, les sonorités glauques et extra-terrestres du Scherzo, tout concourt à un sentiment de course à l’abîme. Il n’y a guère que le premier thème de marche du Finale qui peine à trouver son rythme de croisière, largement atteint à la généralisation de ses figures pointées quelque deux cent cinquante mesures plus loin.
Et que dire de ces coups de marteau assourdissants comme jamais, qui font vibrer la boîte crânienne et donnent l’impression que vos plombages vont sauter, tandis que l’une des harpistes doit remettre ses cheveux en place face au souffle démoniaque déclenché ? Expérience musicale à marquer d’une pierre blanche, que les caméras ont par chance immortalisée.
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 31/08/2024 Yannick MILLON |
| Symphonie n° 6 de Mahler par l’Orchestre de la Radio bavaroise sous la direction de Sir Simon Rattle au festival de Salzbourg 2024. | Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 6 en la mineur, « Tragique »
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
direction : Sir Simon Rattle | |
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