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CRITIQUES DE CONCERTS |
19 avril 2025 |
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Récital du pianiste Adam Laloum au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Les méandres de l’âme
Adam Laloum joue un programme soigneusement construit où deux sonates de jeunesse de Schubert viennent chacune précéder une pièce emblématique du romantisme allemand. Des Kreisleriana de Schumann d’une terrible noirceur dérangent et fascinent. La Sonate n° 3 de Brahms culmine dans un mouvement lent d’une poésie déchirante.
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Turandot seule, perdue, abandonnée
Mithridate phtalocyanine
Difficile équilibre
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De la Sonate en mi mineur D. 566 qui ouvre son récital, Adam Laloum ne joue que les deux premiers mouvements, omettant le Scherzo dont on pense parfois qu’il a été inclus à tort, et le Rondo D. 506 publié séparément. Sous ses doigts, le Moderato initial se pare d’une gravité que le deuxième thème en sol majeur ne parvient pas à égayer. En contraste avec cette lecture compacte, l’Allegretto vient judicieusement inverser les choses, voyant le chant triompher. Les contrastes ne sont en revanche pas la caractéristique première des Kreisleriana de Schumann qui suivent.
Le pianiste s’y jette à fond de train, faisant l’effet d’une bourrasque périlleuse, mais il ne ralentit pas tant que cela pour la deuxième pièce, Très intime et pas trop rapide, accentuant de surcroît l’aspect répétitif presque mécanique de ses phrases. Pas d’Eusebius et de Florestan dans ce Schumann là mais l’expression terrassante et dérangeante d’une seule névrose. Laloum enchaîne les mouvements comme une seule apnée. Au terme de la sixième pièce jouée toute en fantastiques résonnances, il marque une courte pause et reprend la course folle d’un être poursuivi par ses démons.
Durant presque tout l’entracte, un accordeur travaille sur l’instrument. La sonorité déjà superbe du pianiste s’en trouve magnifiée pour la très classique Sonate en lab majeur D. 557 de Schubert. Laloum distille dans ses trois mouvements à la manière d’une sonatine une délicatesse tout en équilibre sans jamais verser dans le sentimentalisme ou le décorum. Après cette page enchantée, le pianiste revient pour une autre œuvre de jeunesse, la Sonate n° 3 en fa mineur de Brahms.
Le portique des premiers accords de l’Allegro maestoso rougeoie tandis que le thème en lab majeur se pare de couleurs nocturnes. La dialectique se noue et avance sans s’appesantir. Le ciel de la nuit s’ouvre et déploie d’infinis espaces pour un Andante espressivo cosmique où le temps semble se distendre dans une dimension inconnue. L’intimité qui s’y développe bouleverse. La fougue du Scherzo se mêle aux introspections de son Trio.
Laloum articule avec poésie les réminiscences de l’Intermezzo avant de se lancer funambule dans le Finale rhapsodique. Le pianiste prend plusieurs fois des risques mais sa construction sonore l’emporte, par la beauté de la sonorité jamais écrasée et une clarté qui évoque celle du regard du compositeur de vingt ans. Clair de lune de Debussy en bis apporte tout l’apaisement et le réconfort requis au terme d’un récital marquant.
Adam Laloum sera en concert avec la violoniste Liya Petrova, le dimanche 30 mars 2025, à 11 heures, au Théâtre des Champs-Élysées.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 12/02/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | Récital du pianiste Adam Laloum au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano n° 6 en mi mineur, D. 566 (1817)
Robert Schumann (1810-1856)
Kreisleriana, fantaisie pour piano op. 16 (1838)
Franz Schubert
Sonate pour piano n° 5 en lab majeur, D. 557 (1817)
Johannes Brahms (1833-1897)
Sonate pour piano n° 3 en fa mineur, op. 5 (1853)
Adam Laloum, piano |  |
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