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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Récital Akiko Ebi aux Midis Musicaux du Châtelet, Paris.
Vent divin au Châtelet
La plus française des pianistes japonaises n'a pas la réputation à laquelle elle pourrait prétendre dans l'Hexagone. Maîtresse d'une technique irréprochable, Akiko Ebi possède également un tempérament volcanique qui lui permet des Liszt dévastateurs. Rarement vent plus impétueux n'aura soufflé sur le Châtelet.
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Derrière un visage impassible qui sait s'animer fugitivement d'éclats de passion, Akiko Ebi cache un torrent de lave qui ne s'exprime nulle part ailleurs mieux que dans ces oeuvres de Liszt. Composées entre 1845 et 1852, elles constituent le credo religieux de leur auteur qui se souvient de Lamartine : "Il existe des âmes méditatives que la solitude et la contemplation élèvent invinciblement vers les idées infinies, c'est-à -dire vers la religion. " Elles n'en sont pas moins des pièces magistrales du langage pianistique de Liszt pour qui méditation peut rimer avec virtuosité extrême. Il résulte de leur rhétorique un mélange qu'il convient de doser avec circonspection tant il peut exploser sous les doigts de celui qui le compose. Par exemple, faute d'un tempo stable et d'une sonorité également compacte dans toutes les nuances, Funérailles sonne comme un corbillard qui aurait des ratées au démarrage. C'est loin d'avoir été le cas dans l'interprétation d'Akiko Ebi. Cette élève d'Aldo Ciccolini se souvient des leçons de son maître : elle mène ses crescendo comme lui, dans une sorte d'aura sonore, qui met l'instrument en résonance avec l'espace de la salle. A l'opposé, la pianiste a su errer dans les méandres sombres d'Invocation, dans ce no man 's land qui précède le glas. Jamais ici, elle ne s'est aventurée dans le beau son, témoignage inutile des vains plaisirs terrestres. Sa technique puissante, aux octaves d'une solidité minérale, lui permet de dominer des oeuvres que la moindre défaillance mène au désastre. Sa musicalité est faite d'une détermination rigoureuse dans la conduite des passages méditatifs et d'un volontarisme incendiaire dans les bariolages fortissimo qui rapprochent le piano de Liszt de son écriture orchestrale. Et s'il fallait citer un maître auquel par son talent Madame Ebi aurait rendu hommage lors de ce concert, ce serait assurément à Claudio Arrau qu'on penserait. Croyez-le bien : ce nom illustre a plusieurs fois été entendu à l'issue du concert. A bon entendeur, salut !
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Théatre du Châtelet, Paris Le 18/01/2001 Olivier BERNAGER |
| Récital Akiko Ebi aux Midis Musicaux du Châtelet, Paris. | Akiko Ebi, piano
Franz Liszt : Bénédiction de Dieu dans la solitude - Funérailles - Invocation
Extraits des Harmonies poétiques et religieuses
Deuxième Ballade en si mineur | |
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