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CRITIQUES DE CONCERTS 20 avril 2024

Reprise du Don Carlo d'Herbert Wernicke au festival de Salzbourg.

Salzbourg 2003 (5) :
Le plus beau des hommages


Herbert Wernicke

Après la mort prématurée du metteur en scène Herbert Wernicke l'an passé à l'âge de 56 ans, Salzbourg voulait rendre hommage à l'un de ses plus précieux collaborateurs. Le festival a donc décidé d'exhumer son Don Carlo de 1998, et de le doter d'une direction et d'un plateau exceptionnels, pour lui rendre le plus beau des hommages.
 

Großes Festspielhaus, Salzburg
Le 27/08/2003
Yannick MILLON
 



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  • Dans le Don Carlo mis en scène par Wernicke, on reste conquis par l'efficacité du décor modulable, conférant à chaque tableau une atmosphère visuelle et une structuration de l'espace scénique propre, en même temps qu'une grande unité, tout à fait conforme au désir du metteur en scène de préparer le Deus ex machina de la fin en plaçant judicieusement le moine/Charles Quint comme spectateur errant des fins de tableau, sans tomber dans un systématisme fastidieux.

    C'est d'ailleurs une scène finale intense qui attend le spectateur : Charles Quint apparaît, mais seulement pour sauver les amants de leur souffrance terrestre en les foudroyant. L'imagination avec laquelle les éléments visuels s'agencent au fil des changements de décor en dit long sur l'ingéniosité du regretté Wernicke à manier le vocabulaire architectural sans s'interdire l'ajout de nouveaux éléments quand il le faut.

    Narration par la scénographie, efficace et lisible

    Cloître confidentiel aux secrets dérobés, clair-obscur et arcades cruciformes pour la société des dames, arènes et tapis rouge devant la cathédrale, chambre vacillante du roi aux soirs de doute. Et ces cônes dorés, arbres décoratifs, stalactites menaçants puis missiles en phase de lancement, qui disent assez que la narration se fait ici beaucoup par la scénographie, d'autant plus efficace qu'elle est on ne peut plus lisible.

    Malgré le choix de la version « de Milan » en quatre actes, les enjeux de l'opéra ressortent clairement, avec l'actualité qu'il faut : les gardes du corps du dictateur, le fanatisme d'une inquisition Ku-Klux-Klan, la menace du nucléaire dans les mains d'un despote, et avec une grande lisibilité psychologique qui sont un soulagement après un Enlèvement au Sérail et un Don Giovanni au quinzième degré.

    Une distribution de rêve



    Au niveau musical, même excellence, avec une distribution de rêve. Au premier chef Johan Botha, qui donne une véritable leçon de chant, avec son Don Carlo jamais vociféré, toujours chanté. Avec deux tuyaux d'orgue en lieu et place des poumons, Botha chante sur un souffle intarissable, avec une technique époustouflante. Le timbre est jeune et rayonnant, la projection parfaitement adaptée au répertoire verdien, les aigus ronds, pleins et puissants, imprimant en permanence une impression de facilité.

    Le Philippe II de Ferruccio Furlanetto est doté des mêmes qualités : voix immense, sans limite dans la dynamique, aux aigus parfaits. Depuis son excellent Leporello de 1987 avec Karajan, la voix a gagné du grain et un magnifique creux dans le grave. La basse italienne campe un monarque infect et odieux, impitoyable jusque dans la noirceur d'un timbre qui ferait pâlir un Grand Inquisiteur.

    Aussi souveraine que les deux précédents, Olga Borodina, dans toute sa superbe, campe une Eboli altière et impériale, avec un vrai format de grand soprano dramatique, aux aigus canalisés et projetés avec énergie, sans pour autant manquer d'agilité dans les vocalises du premier acte.

    Restent l'Elisabeth magnifique de timbre et de présence d'Adrianne Pieczonka, dont la belle ligne de chant, le legato et les pianos somptueux, la dignité dans la souffrance font oublier des notes extrêmes encore fraîches, et le Marquis de Posa de Dwayne Croft, au timbre clair et vigoureux, seulement attenué par un vibrato qui serre au dessus du mib, mais qui fait encore mieux percevoir la trahison future et les inclinations pour Don Carlo.



    Les seconds rôles sont excellents, du Tebaldo au timbre vif-argent de Martina Janková au Grand Inquisiteur sépulcral de Kurt Rydl, dont il faut toutefois reconnaître que le vibrato en élastique de sous-vêtement distendu est une abomination, même s'il rend bien les 99 ans du personnage.

    Gergiev sans répit pour l'auditeur

    Pour parachever un hommage on ne peut plus réussi, cette reprise bénéficie d'une plus value incontestable concernant la direction musicale, confiée à Valery Gergiev. Pourtant, on prend peur dans le premier quart d'heure, car les approximations le disputent à l'ennui : intonation pénible, imprécisions rythmiques, battue lourde et indifférente. Mais les troupes viennoises et le chef russe se réveillent au moment du serment entre Don Carlo et Rodrigo, et Gergiev ne lâche plus l'auditeur une seule seconde, même si sa manière de privilégier « à la hussarde » la grosseur du son plutôt que son tranchant peut incommoder.

    On ne saurait toutefois se plaindre de pareilles vétilles en repensant à l'épouvantable direction au Prozac de Lorin Maazel qui avait plombé cette magnifique production pendant trois ans. Ici, les cuivres sont portés à incandescence et le drame vous saute à la gorge avec une rare intensité, sans que, comme l'an passé dans Turandot, le plateau ne soit couvert par les décibels de l'orchestre.

    Ce Don Carlo restera donc la production la plus accomplie du festival 2003. C'est Wernicke qui doit être heureux, là-haut...




    Großes Festspielhaus, Salzburg
    Le 27/08/2003
    Yannick MILLON

    Reprise du Don Carlo d'Herbert Wernicke au festival de Salzbourg.
    Giuseppe Verdi (1813-1901)
    Don Carlo, opéra en quatre actes (version « de Milan », 1884)
    Livret de Camille du Locle et Joseph Méry d'après le Don Carlos de Schiller
    Version italienne d'Achille de Lauzière-Thémines et Angelo Zanardini

    Association de concert du Choeur de l'Opéra de Vienne
    Orchestre philharmonique de Vienne
    direction : Valery Gergiev
    mise en scène, décors, costumes et éclairages d'après Herbert Wernicke (†)
    direction scénique pour la reprise : Karin Voykovitch
    dramaturgie : Albrecht Puhlmann
    préparation des choeurs : Rupert Huber
    musique de scène : Orchestre du Mozarteum

    Avec :
    Ferruccio Furlanetto (Philippe II), Johan Botha (Don Carlo), Dwayne Croft (Rodrigo, marquis de Posa), Kurt Rydl (le Grand Inquisiteur), Chester Patton (un moine/Charles Quint), Adrianne Pieczonka (Elisabeth de Valois), Olga Borodina (la Princesse Eboli), Martina Janková (Tebaldo), Ursula Pfitzner (la Contesse d'Aremberg), John Nuzzo (le Comte de Lerme), L'ubica Vargicová (une voix d'en haut), Roberto Iuliano (un héraut royal), et Markus Eiche, Lauri Vasar, Evert Sooster, Hiroyuki Ijichi, Hannes Lichtenberger, Friedrich Springer (députés flamands).

     


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