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CRITIQUES DE CONCERTS 19 avril 2024

Nouvelle production des Stigmatisés de Franz Schreker mise en scène par Nikolaus Lehnhoff et sous la direction de Kent Nagano au festival de Salzbourg 2005.

Salzbourg 2005 (2) :
Entre esthétisme et perversion

© Bernd Uhlig

Anne Schwanewilms (Carlotta)

Dans le cadre d'une réhabilitation d'ouvrages lyriques de compositeurs proscrits sous le IIIe Reich, Salzbourg propose comme première production lyrique de son festival 2005 une nouvelle mise en scène des Stigmatisés de Franz Schrecker. Une production entre esthétisme de la partie musicale et perversion de la partie scénique.
 

Felsenreitschule, Salzburg
Le 26/07/2005
Benjamin GRENARD
 



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  • Les opĂ©ras de Franz Schrecker, contemporains de ceux de Richard Strauss, appartiennent Ă  ce mĂŞme creuset esthĂ©tique viennois, marquĂ© par une orchestration foisonnante et raffinĂ©e et une extrĂŞme sensualitĂ©. Aussi, on ne s'Ă©tonnera pas d'entendre dans les StigmatisĂ©s une musique quelquefois très proche des Gurrelieder de Schoenberg. Pour autant, jamais Schreker ne fait figure de second couteau, tant au niveau d'une orchestration toujours inventive et personnelle que d'un indĂ©niable sens dramatique et narratif.

    La nouvelle production salzbourgeoise dispose de tous les arguments musicaux pour réhabiliter au mieux cet ouvrage auprès du public : en premier lieu la direction de Kent Nagano, qui s'impose comme le maître incontestable de la soirée. Le chef américain joue sur un orchestre fouillé, coloriste, dans une manière quasi esthétisante. Avec ses timbres nettement individualisés, le Deutsches Symphonie Orchester Berlin constitue une phalange de choix, livrant notamment des passages chambristes de toute beauté. Il ne manque à cette partie orchestrale qu'un brin de théâtralité pour soutenir davantage la tension scénique.

    © Bernd Uhlig

    Le plateau est dominé par la pureté vocale d'Anne Schwanewilms, subtile, caressante et délicatement sensuelle, Carlotta à la clarté enchanteresse sans pour autant renier la fragilité du personnage. À son exact opposé, Michael Volle campe un Tamare sarcastique, à la sensualité sauvage et violente traduite par une émission durcie jusque dans l'hystérie finale. Robert Hale devrait incarner les grands inquisiteurs en Comte Adorno – et surtout en son double le Capitaine de la Justice –, mais pèche par manque de caractérisation. Quant à Robert Brubaker, il assure vaillamment le rôle principal, même si l'aspect très mâle de son timbre est en totale contradiction avec les choix du metteur en scène.

    Car les options dramaturgiques de Nikolaus Lehnhoff consistent à sexualiser fortement le propos du livret. Dans l'esprit de Schreker, celui-ci s'impose comme une critique de l'artiste fuyant la vie pour se réfugier dans un paradis esthétique, à l'image d'Alviano, bossu et difforme, créant une île à l'érotisme torride dont le contrôle finit par lui échapper par le détournement de quelques nobles sans scrupules. Or, Chez le metteur en scène allemand, la beauté est envisagée sous son angle essentiellement sexuel et non plus seulement esthétique.

    Alviano n'est plus présenté comme laid mais asexué, narcissique, vêtu d'une robe rose à paillettes dans son intimité, personnage marginal et typiquement décadent face à une société corsetée, dont les membres arborent des vêtements noirs et rigides. Alviano n'est plus le négatif esthétique de Tamare, il en devient principalement son négatif sexuel et la passion de Carlotta pour les âmes se transforme ainsi en dangereux penchant pour l'hermaphrodisme.

    Robert Brubaker / © Bernd Uhlig

    Admettons. Les mises en scène d'opéra nous ont habitué depuis un certain temps à ces relectures qui sollicitent le texte jusqu'à dépasser le propos de l'oeuvre, mais on ne voit pas pourquoi Carlotta, désinhibée par l'atmosphère érotique de l'île, ne céderait pas plutôt dans ce cas-là à ses dangereuses pulsions, au lieu de mourir horrifiée par Alviano. Pour le reste, la déviance des nobles génois est bien mise en relief, artisan d'actes pédophiles dans une grotte morbide. Cependant, en désexualisant Alviano et en escamotant sa laideur, Lehnhoff pervertit le propos original.

    D'où entre la lecture musicale de Nagano et le travail scénique de Lehnhoff l'impression d'une soirée qui oscille entre esthétisme et perversion.




    Felsenreitschule, Salzburg
    Le 26/07/2005
    Benjamin GRENARD

    Nouvelle production des Stigmatisés de Franz Schreker mise en scène par Nikolaus Lehnhoff et sous la direction de Kent Nagano au festival de Salzbourg 2005.
    Franz Schreker (1878-1934)
    Die Gezeichneten, opéra en trois actes (1918)
    Livret du compositeur

    Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
    Deutsches Symphonie-Orchester Berlin
    direction : Kent Nagano
    mise en scène : Nikolaus Lehnhoff
    décors : Raimund Bauer
    costumes : Andrea Schmidt-Futterer
    Ă©clairages : Alexander Koppelmann
    préparation des choeurs : Rupert Huber

    Avec :
    Robert Hale (Herzog Antoniotto Adorno / Der Capitaneo di giustizia), Michael Volle (Graf Andrea Vitelozzo Tamare), Wolfgang Schöne (Lodovico Nardi), Anne Schwanewilms (Carlotta Nardi), Robert Brubaker (Alviano Salvago), Bernard Richter (Guidobaldo Usodimare), Markus Petsch (Menaldo Negroni), Mel Ulrich (Michelotto Cibo), Thomas Oliemans (Gonsalvo Fieschi), Guillaume Antoine (Julian Pinelli), Stephen Gadd (Paolo Calvi), Gabriela Palfinger / Verena Schwendinger (Ginevra Scotti) Robert Wörle, Peter Loehle, Markus Eiche (Drei Senatoren), Klemens Sander (ein riesiger Bürger), Walter Zeh (ein Diener), Gabriella Bessenyei (eine Dienerin).

     


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