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CRITIQUES DE CONCERTS 20 avril 2024

Reprise du Così fan tutte de Mozart mis en scène par Ursel et Karl-Ernst Herrmann sous la direction de Manfred Honeck au festival de Salzbourg 2006.

Salzbourg 2006 (6) :
La chair est triste

© Bernd Uhlig

Shawn Mathey (Ferrando), Sophie Koch (Dorabella), Ana María Martínez (Fiordiligi) et Stéphane Degout (Guglielmo).

Cela n'est pas nouveau, la chair est triste. La chair comme recherche du plaisir – l'amour, n'en parlons pas –, la chair des acteurs aussi, et même la chair de la matière orchestrale. C'est ainsi une leçon de mélancolie que donne cette reprise essoufflée du Così faussement gracieux des époux Herrmann à Salzbourg.
 

GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
Le 16/08/2006
Thomas COUBRONNE
 



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  • Qu'on ne s'y trompe pas : mĂŞme si la farce est enlevĂ©e, mĂŞme si la fantastique Despina d'Helen Donath Ă©baudit l'assistance, si le Don Alfonso manipulateur de Thomas Allen fait virevolter tout son petit monde, si Sophie Koch est impayable en Dorabella gamine et ingĂ©nue, mĂŞme si la très belle scĂ©nographie des Herrmann Ă©voque Watteau avec un petit quelque chose d'un jardin zen, il ne faut pas oublier la morale de l'histoire : puisque les filles ont ici dĂ©couvert dès le dĂ©but le plan d'Alfonso, il n'y a plus de mĂ©prise possible, et ce n'est pas par aveuglement qu'elles basculent dans l'infidĂ©litĂ©, ni certes par amour, comme le montre l'amertume gĂ©nĂ©rale du dĂ©nouement oĂą n'affleure nul espoir de recouvrer la paix en Ă©changeant les couples, issue suggĂ©rĂ©e par maint metteur en scène.

    Il ne s'agit ici que de mécanique : le séducteur emporte la donne s'il respecte les étapes – déclaration, emphase, exhibition, menaces, chantage, jusqu'au harcèlement en ce qui concerne le plus rêveur de nos messieurs, Ferrando – et les personnes n'importent plus. Beethoven trouvait l'ouvrage immoral : à plus forte raison si l'on veut bien envisager l'interchangeabilité des personnages dans une ronde où n'importe qui fait l'affaire des sentiments.

    © Bernd Uhlig

    Dans cette histoire à la Marivaux, où derrière le jeu se cachent blessures, désillusions, et une certaine lucidité sur la vanité de la condition humaine, ou du moins des passions, la mise en scène a le bon goût de rester légère et souriante, et de ne pas enfoncer le clou. Mais par rapport à l'été 2004, cette reprise nous semble contaminée par quelque morosité tant au plateau que dans la fosse.

    Manfred Honeck ne dirige-t-il pas pourtant avec un soin, une finesse, une légèreté viennoise, un souci de ne pas couvrir les chanteurs tout à fait dignes de Philippe Jordan ? Les Wiener Philharmoniker ne prodiguent-ils pas de superbes moments de grâce ineffable – Di scirvermi ogni giorno ; Soave sia il vento ; E nel tuo, nel mio bicchiero – ? Pourtant la joie, l'effronterie, l'humour semblent taris dans les passages plus vifs, dans la vaillance des attaques, dans la discrétion des bois, et dans une légèreté toujours élégante mais un rien résignée. Le continuo de Rachel Andrist accompagne à merveille le plateau dans un tourbillon dépourvu d'urgence, comme si toute la pièce était une rêverie, un souvenir.

    Un espace problématique

    Les chanteurs évoluent sur ce tapis mélancolique et dans l'espace toujours problématique du Grosses Festspielhaus, souvent trop démesurément vide quant au visuel, et acoustiquement impitoyable au moindre déplacement. Si les deux roués de l'histoire ont tout l'abattage requis à défaut de moyens intacts, il faut reconnaître que Thomas Allen a encore un beau métal dans la pleine voix et une présence inquiétante de jongleur d'âmes, Helen Donath offrant de son côté les moments les plus uniment drôles de la soirée, avec beaucoup d'humour et une émission encore fringante sinon délicate.

    Les amoureux sont plus disparates : Ana María Martínez ne brille pas par l'égalité de sa voix, et n'est pas la Fiordiligi la plus passionnante, ni sur les planches ni de vocalité. Elle prodigue cependant de beaux moments, notamment au II, avec un timbre un peu fébrile, un vibrato rapide et une virtuosité précise qui font plus penser à Rossini qu'aux délicatesses contenues de Mozart. C'est pourtant dans Per pietà, ben mio, perdona qu'elle convainc le plus. Sophie Koch est tout le contraire : espiègle en scène et de chant incendiaire, nourrissant Dorabella de l'enthousiasme de son Octavian. C'est un peu beaucoup, mais pourquoi pas ? D'autant que le personnage est vraiment là et que la voix a toujours de la personnalité.

    Stéphane Degout est toujours un bon Guglielmo, en voix, sans histoires, pas transcendant mais au moins d'une belle énergie. Enfin, en dépit de nasalités un peu appuyées et d'une demi-teinte trop éloignée de la pleine voix, Shawn Mathey incarne un Ferrando nostalgique et sensible, qui suit avec Fiordiligi le chemin de la douleur amoureuse, de l'expérience qui change les amants. L'innocence est morte ; la chair est triste.




    GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
    Le 16/08/2006
    Thomas COUBRONNE

    Reprise du Così fan tutte de Mozart mis en scène par Ursel et Karl-Ernst Herrmann sous la direction de Manfred Honeck au festival de Salzbourg 2006.
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    Coproduction avec le festival de Pâques de Salzbourg

    Konzervereinigung Wiener Staatsopernchor
    Wiener Philharmoniker
    direction : Manfred Honeck
    mise en scène : Ursel & Karl-Ernst Herrmann
    décors et costumes : Karl-Ernst Herrmann
    préparation des choeurs : Thomas Lang
    continuo : Rachel Andrist

    Avec :
    Ana María Martínez (Fiordiligi), Sophie Koch (Dorabella), Stéphane Degout (Guglielmo), Shawn Mathey (Ferrando), Helen Donath (Despina), Sir Thomas Allen (Don Alfonso).

     


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