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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Reprise de l'Élixir d'amour de Donizetti dans la mise en scène par Laurent Pelly, sous la direction d'Edward Gardner à l'Opéra de Paris.
Un ténor qui fait le printemps
Charles Castronovo (Nemorino) et Heidi Grant Murphy (Adina).
Malgré la présence toujours aussi inadéquate de Heidi Grant Murphy en Adina, le charme de cet Élixir d'amour dû à Laurent Pelly reste entier et connaît même une nouvelle jeunesse grâce à l'excellent Nemorino de Charles Castronovo, une voix bien rare dans nos salles et que l'on se doit de découvrir absolument.
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Pleine d'esprit, alerte, le plus souvent franchement drôle, l'Élixir d'amour de l'Opéra de Paris accueille déjà un troisième Nemorino qui lui donne un second souffle. Certes, les idées de Laurent Pelly foisonnent comme le blé au milieu duquel se déroule l'action, et l'astucieux metteur en scène a su capter le véritable esprit buffa de l'oeuvre et le transposer en termes contemporains subtiles, allègres, pleins des charme. Cela demande beaucoup d'agilité de la part de tous les interprètes, choeurs y compris, et tout le monde s'y adonne une nouvelle fois avec le plus grand professionnalisme, une parfaite aisance et, semble-t-il, la plus grande joie, qui devient rapidement communicative.
Heidi Grant Murphy est théâtralement une Adina tout à fait crédible, mais elle ne possède toujours ni la voix ni le style qui conviennent ici, surtout dans une salle aussi vaste. Alberto Rinaldi, après quelque quarante années de carrière, reste chez lui dans ce répertoire dont il a toujours la verve et l'abattage. Laurent Naouri, très en voix, nous amuse autant qu'il doit s'amuser en campant un Belcore d'anthologie, et l'on remarque la très jolie voix d'Aleksandra Zamojska dans le bref rôle de Giannetta. Le jeune chef britannique Edward Gardner confirme les qualités déjà appréciées avant l'été à ce même pupitre. Sa direction est sobre, exacte, et gagnera sûrement encore en personnalité avec le temps.
Reste maintenant le cas du jeune ténor américain Charles Castronovo, véritable révélation de cette reprise. Déjà invité pour Fenton et Tamino à l'Opéra, il avait été remarqué cet été à Salzbourg dans nos colonnes dans la reprise de la discutable production de l'Enlèvement au Sérail de Stefan Herheim. Notre confrère Renaud Loranger le trouvait « doté d'un bel instrument, d'un physique avantageux et de beaucoup de tempérament ». Ces trois qualités s'imposent totalement ici, de manière indiscutable, et lui valent un vrai succès public.
La voix est effectivement de belle matière, de couleur séduisante, fort bien projetée et tout à fait adaptée à ce répertoire. Le physique est agréable, et le ténor en joue ici pour composer un de ces braves petits gars de la campagne même pas conscient de son charme et totalement dépassé par des sentiments qu'il ne contrôle pas du tout. Et le tempérament s'exprime dans une incarnation d'une drôlerie irrésistible, par son agilité, par une multitude de petits gestes de paumé, véritable diablotin omniprésent sur le plateau, avec son T-shirt trop grand et son pantalon trop large, follement sympathique, amusant, attendrissant.
Et comme le chant est à la hauteur, c'est un vrai bonheur ! On est de tout coeur avec lui, et on attend avec impatience que cette péronnelle d'Adina se décide enfin ! Paris ne semble guère figurer dans les projets de Castronovo. Messieurs les directeurs de théâtre, saisissez-le pendant qu'il en est encore temps !
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