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CRITIQUES DE CONCERTS 29 mars 2024

Requiem pour un jeune poète de Zimmermann sous la direction de Michel Tabachnik à la Philharmonie de Paris.

De bruit et de fureur

Le Festival Manifeste-IRCAM ouvre ses portes avec le Requiem pour un jeune poète de Bernd Alois Zimmermann. Œuvre emblématique autant que rare, cette partition testamentaire résonne avec rage et puissance pour la première fois dans l'acoustique généreuse de la Philharmonie de Paris, sous la direction d’un Michel Tabachnik contraint à jouer les sémaphores.
 

Philharmonie, Paris
Le 02/06/2015
David VERDIER
 



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  • Signe des temps ou simple faute de goĂ»t ? Les programmateurs du de Bernd Alois Zimmermann ont en effet jugĂ© nĂ©cessaire de placer en ouverture le dĂ©jĂ  très dense et prolixe Photoptosis, comme si la prĂ©sence Ă  l'affiche de cette Ĺ“uvre-testament ne justifiait pas Ă  elle seule la valeur de la soirĂ©e.

    Ce prélude symphonique s'inspire d'une série de fresques monochromes d'Yves Klein installées dans le théâtre de Gelsenkirchen. La transcription sonore des jeux de lumières en fins dégradés et croisements harmoniques est ici remarquablement rendue par la direction de Michel Tabachnik. Le chef tient la bride haute à un SWR Stuttgart concentré et précis.

    On n'aurait pas voulu se trouver à la place du comédien Pierre Baux quand celui-ci s'est lancé sur un ton assez classique dans la lecture d'extraits traduits du Requiem pour un jeune poète. Avec pour seul accompagnement l'arrière-fond bruitiste des techniciens opérant un long et laborieux changement de plateau, la voix du comédien fut interrompue au beau milieu du poème À Serge Essenine de Vladimir Maïakovski par des sifflets et des appels explicites à abréger – sage décision.

    Les qualificatifs manquent pour qualifier une œuvre aussi inclassable que ce Requiem pour un jeune poète. Pour ainsi dire jamais jouée sous nos latitudes, il faut remonter vingt ans en arrière pour se souvenir d'une interprétation au Châtelet sous la direction impérative de Michael Gielen. Prolixe et plurielle au sens littéral, ce requiem annonce à la fois la disparition d'un monde et celle du compositeur qui, joignant le geste à la parole, mettra fin à ses jours quasiment un an après une création à laquelle il ne put même pas assister.

    La conception d'un temps sphérique dans lequel s'entrecroisent et se multiplient les références est au cœur de cette complexe architecture musicale. Zimmermann contourne l'obstacle sériel en échafaudant les clés d'un pluralisme musical, fait de citations sonores, extraits de discours, poèmes, bandes-sons de cinéma, musique pop-jazz…

    La surdimension de l'effectif contraste diamétralement avec des interventions millimétrées et relativement brèves. Un massif de cordes graves fait face à un jazz-band et des pupitres de vents et percussions pléthoriques. Quatre piliers choraux soutiennent cet édifice monumental, doublés par la diffusion d'une bande à huit pistes, quatre chanteurs et récitants.

    Cette forme quelque part entre musique et performance, progresse par amplification dynamique en se nourrissant d'un matériau de plus en plus dense et enchevêtré à mesure que la conclusion approche. Convoquant au même plan des citations de l'Ecclésiaste, la pensée révolutionnaire qui court de 1917 aux événements de mai 1968, des extraits de discours de Goebbels, des poèmes d'Ezra Pound et Kurt Schwitters.

    Le tissu improbable et génial se déploie d'un bout à l'autre de la Philharmonie avec un impact relativement net malgré la tendance du lieu à noyer les contours dans une réverbération généreuse. Dans une œuvre où la simple mise en place relève déjà du défi, Michel Tabachnik fait office de sémaphore efficace sans pour autant libérer le flux de violence tellurique qui pourrait toucher au cœur de l'écoute.

    La disparité involontaire des styles et des techniques des ensembles choraux s'ajoute à un éloignement spatial parfois problématique dans les sections centrales de l'ouvrage. Le Dona nobis pacem conclusif n'a pas l'urgence éruptive qui lui permettrait de surgir au-dessus du flot bruyant. Intense mais guère transcendant.




    Philharmonie, Paris
    Le 02/06/2015
    David VERDIER

    Requiem pour un jeune poète de Zimmermann sous la direction de Michel Tabachnik à la Philharmonie de Paris.
    Bernd Alois Zimmermann (1918-1970)
    Photoptosis (1968)
    Requiem pour un jeune poète (1969)
    Leigh Melrose, baryton
    Marisol Montalvo, soprano
    Peter Schröder, Nico Holonics, récitants
    Les Cris de Paris
    Chœur de chambre Les Eléments
    Chœur de l’Armée française;
    préparation : Geoffroy Jourdain, Joël Suhubiette, Aurore Tillac
    Elèves du département jazz et musiques improvisées du CNSMDP
    Orchestre symphonique de la Radio de Stuttgart
    direction : Michel Tabachnik

     


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