Peu d’opéras contemporains ont connu autant de reprises que Trois sœurs de Peter Eötvös. La nouvelle production du Festival de Salzbourg s’émancipe totalement de celle de la création de 1998, en décuplant le pouvoir dramatique de l’œuvre à la fois dans la mise en scène réaliste, très russe, d’Evgeny Titov, et dans la direction explosive de Maxime Pascal.

Vainqueur du prestigieux Concours van Cliburn à Fort Worth au Texas en 2022 à l’âge de 18 ans, le jeune pianiste sud-coréen Yunchan Lim a frappé un grand coup dans le Parc du Château de Florans, dans le cadre du Festival de La Roque-d’Anthéron 2025, en interprétant les Variations Goldberg de Bach d’une manière tout à fait stupéfiante.

Mikhaïl Pletnev n’est jamais là où on l’attend : toujours fidèle au texte, il fait sans cesse preuve d’inventivité dans les pages du Clavier bien tempéré de Bach, d’un étonnant classicisme, loin de l’esprit fantastique d’Hoffmann dans les Kreisleriana de Schumann, avant de donner des Pièces lyriques de Grieg d’une parfaite pureté minérale.

Immenses qualités pour le Tristan de Semyon Bychkov et Thorleifur Örn Arnarsson à Bayreuth, dont une mise en scène jamais assénée et une partition savourée jusqu’au suc par un orchestre miroitant, stratifié et dramatique. Tristan échevelé d’Andreas Schager qui surplombe un plateau honnête avec un petit regret pour l’Isolde extérieure de Camilla Nylund.

Un récital d’Arcadi Volodos ne laisse jamais indifférent par l’intériorité du jeu d’un soliste qui exerce presque malgré lui une véritable fascination sur le public, à l’image de son récital envoûtant à La Roque-d’Anthéron consacré intégralement à Franz Schubert, dont il arpente notamment les Six moments musicaux et la Sonate D. 959 d’un pas lent.

Ambiance douce-amère pour les nouveaux Meistersinger de Bayreuth, dont la jolie scénographie est le cadre d’une myriade de clichés et d’auto-dérision sur les traditions rurales de l’Allemagne du sud, face à un plateau non sans défauts mais de belle qualité, sous la direction d’un Daniele Gatti hédoniste jusqu’à négliger les fondamentaux d’une exécution de fosse.

Retour au Ring de Valentin Schwarz avec un peu d’appréhension. Si une certaine efficacité avait in fine suscité de l’intérêt lors de la découverte, c’est ici avant tout la direction amorphe de Simone Young qui empêche toute conviction : le spectateur de bonne volonté peut avaler bien des couleuvres sur le plateau, mais l’indigence en fosse reste indigeste à Bayreuth.

Dans une adéquation entre le lieu et la musique, Roger Muraro remet sur le métier les deux heures pleines de l’un des cycles phares du répertoire pianistique, les Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus d’Olivier Messiaen, une œuvre qui lui est consubstantielle et dont il donne une interprétation flamboyante dans le cloître de l’abbaye du Thoronet.

Adulé dans le monde entier, le pianiste britannique Benjamin Grosvenor fait face à un vent perturbateur à La Roque-d’Anthéron qu’il domestique par sa capacité à projeter le son, alternant moments poétiques et beauté expressive dans un récital où les élans schumanniens répondent aux évocations des Tableaux d’une exposition de Moussorgski.

L’exécution libre, inventive et hautement personnelle du jeune Alexander Malofeev dans le concerto L’Empereur mais aussi la prestation irréprochable de l’Orchestre national Avignon-Provence sous la houlette de Débora Waldman dans la célébrissime Symphonie Héroïque de Beethoven procurent à la Roque-d’Anthéron un plaisir de chaque instant.