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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
03 mai 2025 |
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Entrée au répertoire du Ballet de l'Opéra d'Orphée et Eurydice de Gluck dans la version chorégraphiée par Pina Bausch, au Palais Garnier, Paris.
Une entrée majeure au répertoire
C'était l'un des évènements les plus attendus de la saison de danse du Ballet de l'Opéra. Orphée et Eurydice est, après le Sacre du Printemps, le deuxième ballet de Pina Bausch à entrer au répertoire de la compagnie. Un magnifique spectacle chorégraphique, un peu desservi par une distribution vocale médiocre, malgré la superbe direction de Thomas Hengelbrock.
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Créé en 1975 par le Ballet de Wuppertal et déjà vu en 1993 sur la scène du Palais Garnier avec la même compagnie, Orphée et Eurydice est considéré comme une oeuvre majeure de la première période de la grande chorégraphe allemande, période où elle commençait seulement à se détacher du langage classique.
Les deux caractéristiques principales de l'oeuvre sont donc son style chorégraphique très particulier et le fait que les chanteurs sont eux aussi sur scène et participent à l'action avec les danseurs, ce qui est un pari très difficile à gagner. Par ailleurs, Pina Bausch a quelque peu restructuré la partition originale de Gluck donnée dans sa version allemande, pour la regrouper en quatre grandes parties et en abandonnant la fin heureuse imaginée par le compositeur.
Dans légende, après la perte définitive d'Eurydice qu'il est allé par autorisation spéciale des Dieux rechercher en Enfer mais qu'il perd car il s'est retourné pour la regarder, Orphée se retire dans les montagnes où il meurt dépecé par les Ménades. Chez Gluck, les Dieux interviennent une nouvelle fois pour récompenser son amour et redonnent vie à Eurydice. Chez Pina Bausch, tout s'achève sur la perte d'Eurydice et sur une mort immédiate d'Orphée.
Un Orphée sans charme vocal
Musicalement, la partition de Gluck est très bien interprétée par le Balthazar Neumann Ensemble & Chor dirigé par Thomas Hengelbrock. Une magnifique approche du monde baroque à l'allemande, avec un son riche, et un vrai travail analytique en profondeur. Les choeurs aussi sont de toute beauté. Moins de satisfactions avec l'interprète du rôle d'Orphée, Charlotte Hellekant, voix sans charme et surtout trop petite pour une salle de cette taille, d'autant que la chorégaphe la faut souvent chanter le visage baissé, le dos tourné ou même face à une vitre. Jaël Azaretti, Eurydice, et Aleksandra Zamojska, l'Amour, sont en revanche correctes, sans génie particulier. Mais toutes trois ont très bien rempli le difficile rôle scénique qui leur était imparti, car il n'est pas facile de bouger en même temps que des danseurs sur une scène !
Gestuelle épurée et descentes de croix
Dans les décors très blancs, très épurés, un peu froids de Rolf Borzik qui signe aussi de très beaux costumes très simples, noirs et blancs, à l'exception de la robe rouge d'Eurydice au dernier tableau, les danseurs sont magnifiques. La chorégraphie de Pina Bausch s'attache essentiellement à traduire la violence des sentiments intérieurs des personnages, tandis que les chanteurs ont en charge le récit de l'action et l'expression musicale des mêmes sentiments. Il y a donc de très beaux solos de très beaux duos et des ensembles d'une grand harmonie. La gestuelle est très épurée, avec beaucoup de travail de bras, de mains, de buste, et pour le rôle d'Orphée, une grande violence et de multiples positions qui rappellent celles des descentes de Croix de maints tableaux d'inspiration chrétienne. D'ailleurs, pendant toute la première partie, Eurydice est elle aussi présentée absolument immobile, vêtue de blanc, très semblable à une statue de la Vierge Marie.
Des danseurs de premier plan
Yann Bridard est l'Orphée dansant, très expressif, très investi, superbe à tous égards, le visage aussi concerné que le corps par les tourments et les angoisses de son personnage. Une magnifique prise de rôle. Remarquable présence aussi de Marie-Agnès Gillot en Eurydice, dansant surtout dans la quatrième partie, un somptueux duo avec Bridard.
Ligne étirée, beauté du visage, finesse et force de la danse, elle a aussi réussi une composition exceptionnelle. Comme souvent chez Pina Bausch, les autres rôles sont davantage noyés dans les ensembles mais sont tenus par des danseurs de premier plan, comme Wilfried Romoli, Eleonora Abbagnato, Emilie Cozette, Dorothée Gilbert, Miteki Kudo, Nicolas Paul, Stéphane Phavorin, Erwan Le Roux ; Sébastien Bertaud, Bruno Bouché et tous les autres, tous donnant le meilleur d'eux-mêmes.

Alors, un spectacle parfait ? Pas totalement, car malgré la perfection de la danse, l'émotion n'est pas toujours présente, l'ensemble paraissant souvent un peu froid, surtout à cause du manque de puissance vocale et de force dramatique de la chanteuse interprétant Orphée. C'est pourtant une acquisition fondamentale pour le Ballet de l'Opéra qui possède désormais deux oeuvres très différentes de Pina Bausch, car le Sacre du Printemps est beaucoup plus contemporain.
D'autres distributions vont suivre, avec notamment Kader Belarbi dans le rôle d'Orphée et Eleonora Abbagnato dans celui d'Eurydice. Et puis, une fois encore, on verra cette étonnante compagnie changer complètement de style et de technique pour se lancer dans une belle série de représentations du Roméo et Juliette de Noureev et d'un spectacle Roland Petit !
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La noirceur et la déchirure d'Orphée et Eurydice
Orphée et Eurydice au Palais Garnier : une standing ovation comme on n'en voit plus guère. Un Oui massif et sans réserve. Cela changeait les esprits au lendemain du Non au référendum. De Lionel Jospin, accompagné de son épouse, à Bartabas, le tout Paris culturel était présent pour acclamer la papesse de la danse.
Avec Orphée et Eurydice, Pina Bausch, la dame en noir de Wuppertal, signe l'entrée au répertoire de Garnier d'un « vieux » ballet, créé par sa compagnie, leTanzteater, en 1975. Ressuscitée par la chorégraphe et son danseur fétiche Dominique Mercy en 1993, l'oeuvre à la fois chantée et dansée reprend du service, revisitée par le Ballet de l'Opéra de Paris.
Entre cette poignante réinterprétation de Gluck et l'exhubérance joyeuse, coquine des cartes postales expédiées des quatre coins du monde que nous livre Pina depuis plusieurs années, saison après saison au Théâtre de la Ville, ce sont les sources de son inspiration, de son cheminement de l'obscurité vers la lumière, qui nous sont restituées.
Un chef-d'oeuvre sombre, tragique et sublime de tension, d'ambiguité, de déchirure, telle est cette version que Pina Bausch donne de l'oeuvre de Gluck qu'elle a résolument trahie. On se souvient des dernières strophes poignantes. Orphée clame: « L'amour triomphe, et tout ce qui respire, sert l'empire de la beauté, sa chaîne agréable, est préférable à la liberté »... Et Eurydice de répondre : « La si cruelle jalousie, a troublé mes tendres désirs, les douceurs dont elle est suivie, sont les chaînes du plaisir ».
Rien de tout cela n'a été retenu. Au contraire : Gluck chante l'espérance en l'amour, Pina Bausch, après chaque tableau qui portent des titres-clé : Deuil, Violence, Paix, Mort, déplore l'irréparable perte de l'amour qui conduit au néant où les passions sont éternelles. Une version pessimiste en diable.
Nicole DUAULT
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Palais Garnier, Paris Le 30/05/2005 Gérard MANNONI |
 | Entrée au répertoire du Ballet de l'Opéra d'Orphée et Eurydice de Gluck dans la version chorégraphiée par Pina Bausch, au Palais Garnier, Paris. | Orphée et Eurydice – Pina Bausch
musique : Christoph Willibald Gluck
chorégraphie et mise en scène : Pina Bausch (1975)
décors et costumes : Rolf Borzik
éclairages : Johan Delaere
Les Etoiles, Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris
Balthasar Neumann Ensemble & Chor
direction : Thomas Hengelbrock
Avec :
Charlotte Hellekant (Orphée), Jaël Azzaretti (Eurydice), Aleksandra Zamojska (l'Amour). |  |
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