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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
04 juillet 2025 |
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Don Quichotte dans la chorégraphie de Charles Jude au Grand Théâtre de Bordeaux.
Une relecture modèle
Depuis dix ans à la tête de l'excellente compagnie de l'Opéra de Bordeaux, Charles Jude signe une nouvelle et brillante relecture d'un grand classique, Don Quichotte, d'après Marius Petipa et Alexandre Gorski. Une défense exemplaire d'une danse académique rigoureuse mais fraîche, tonique et pleine d'idées nouvelles.
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Si Charles Jude est resté comme l'une des grandes étoiles de l'opéra au XXe siècle, il a su également montrer en dix ans à Bordeaux sa capacité à diriger une compagnie et à proposer sa propre vision des grands classiques du répertoire. Après Giselle, Coppélia, Casse-Noisette, Le Lac des cygnes, la Belle au bois dormant, c'est un nouveau Don Quichotte qu'il vient de signer , avec toujours le même succès.
Avec beaucoup d'intelligence et d'astuce, il a su rester fidèle à la lettre du récit, aux grands traits de la chorégraphie héritée de Marius Petipa, et a tiré les leçons de la vaste et somptueuse version Noureev qu'il dansa à Paris. Il en résulte une approche très vivante, tonique, colorée, cohérente , qui n'a rien d'iconoclaste, mais donne sans cesse une impression de nouveauté.
Pour parvenir à ce résultat, Jude a pris plusieurs options. D'abord, un appareil décoratif léger. Des costumes sobres, souvent noirs, mettant en valeur la ligne des danseurs et ne surchargeant pas un plateau aux dimensions assez modestes. Les subtilités de la chorégraphie n'en ressortent que mieux. Ensuite, des décors assez figuratifs pour fixer les lieux de l'action, mais assez allusifs pour ne pas encombrer, eux non plus. Le tout dans des couleurs hispanisantes sans excès.

Dans ce cadre, il a réalisé une chorégraphie astucieuse qui garde les éléments de base les plus traditionnels et les plus brillants des versions d'origine, mais est redistribuée de manière à renforcer le rôle de certains solistes et celui du corps de ballet. Toréador et danseuse de rue, chef des gitans pourvu d'une belle Mercedes comme partenaire ont de vraies variations à danser et bien des ensembles sont largement développés.
De même, le prologue est centré sur l'essentiel, sans bavardages inutiles et le personnage de Gamache, tout en restant comique, a des allures de séducteur simplement balourd plutôt que totalement ridicule. Le mimodrame aussi, présent quand il le faut, est comme épuré d'une gestuelle trop désuète. C'est toujours du mimodrame, mais bien plus proche de nous, sans pourtant rompre avec la tradition. Jude joue habilement de toutes ces nuances subtiles pour donner une nouvelle vie à cette grande démonstration de classicisme, de rigueur académique et de prouesses techniques dans un climat joyeux que reste Don Quichotte.
Il est aidé en cela par d'excellents solistes et une compagnie qui demeure l'un des ultimes bastions de la grande école française dans notre pays. Grâce au nombre de ses danseurs indispensable pour la pratique et le maintien d'un répertoire digne de ce nom, par la tradition que Charles Jude lui transmet et qu'il a hérité de l'Opéra de Paris et en particulier de Rudolf Noureev, le Ballet de l'Opéra de Bordeaux est un fleuron culturel exemplaire dont la ville ne peut que s'enorgueillir.
Une éblouissante Kitri
Soliste de la compagnie, l'Ukrainienne Oksana Kucheruk est une éblouissante Kitri, maniant humour et technique, charme et virtuosité de façon magistrale. Si elle possède toute la séduction et l'expression des « bras à la russe », elle a aussi un travail de jambes exceptionnel, aussi bien dans le travail de pieds et des petites batteries que dans des développés d'une ampleur étonnante ou des ralentis qui apportent onctuosité et poésie. Son partenaire, le Russe Roman Mikhalev, également soliste de la compagnie, est un Basile brillant, tonique, et d'une remarquable sûreté technique. Tous les autres rôles sont tenus avec le plus irréprochable professionnalisme.
Sous les ors du Grand Théâtre plein jusqu'au paradis, ce Don Quichotte a été accueilli avec l'enthousiasme qu'il mérite par un public certainement fier d'avoir la seule compagnie en France, hors Opéra national de Paris, encore capable de proposer tous ces grands classiques à pareil niveau et dans une telle dynamique de renouvellement.
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Grand-Théâtre, Bordeaux Le 21/04/2006 Gérard MANNONI |
 | Don Quichotte dans la chorégraphie de Charles Jude au Grand Théâtre de Bordeaux. | Don Quichotte
Orchestre national Bordeaux-Aquitaine
direction : Emmanuel Florio
chorégraphie : Charles Jude, d'après Marius Petipa et Alexandre Gorski
musique : Charles Minkus
décors : Philippe Miesch
costumes : Pierre-Jean Larroque
éclairages : François Saint-Cyr
Solistes et corps de ballet du Ballet de l'Opéra national de Bordeaux |  |
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