On attendait ce retour d'Isabella avec impatience tant le souvenir du spectacle vu ici même l'année dernière était resté présent dans nos mémoires. Déjà, il y a ce décor, incroyable accumulation d'objets africains de toutes matières, de toutes formes et de toutes tailles. Il est le point de départ et l'aboutissement de cette histoire d'une vie, même de plusieurs vies, où se croisent l'amour passion, l'amour affection, l'inceste, l‘amour folie, le mensonge, la vérité, l'aventure, le rêve de l'aventure. Les êtres se heurtent, s'aiment, meurent, continuent à exister dans la tête des vivants après leur mort. Tout est fou et tout est vrai dans cette fiction passionnée dont les personnages nous bouleversent par leur humanité où tout un chacun peut se reconnaître.

Et puis il y a tout le reste. Le texte, d'une vivacité, d'une couleur, d'un rythme fascinants, plein de contrastes, d'inattendu, de changements de tons ; la musique, agressive ou nostalgique, jamais indifférente ; et la danse, magnifique d'invention, d'originalité, ne tombant jamais dans l'illustration directe ni le pléonasme. On passe d'une agitation extrême à un calme absolu, du drame à l'humour, dans un tourbillon d'actions et de sensations, au milieu desquels le personnage d'Isabella toujours incarné de manière magistrale par Viviane De Muynck est comme un axe immuable.

Tous les interprètes sont d'ailleurs comme elle, investis entièrement dans leurs personnages, acteurs, chanteurs, danseurs, tout cela à la fois, avec la même maîtrise et le même talent. L'émotion est au rendez-vous, car l'ensemble du spectacle est conçu et mené avec une intelligence foudroyante. Voilà bien l'exemple de ce que l'on peut faire loin de toute convention, mais sans remuer de l'air comme c'est si souvent le cas dans ce genre de tentatives.

Il faut certes, pour atteindre ce degré de réussite, beaucoup de talent, d'inspiration, d'imagination, de sens du théâtre et de tout ce qui peut être employé sur une scène pour être perçu des spectateurs. Lauwers est un maître en la matière et cette « chambre Â» s'est affirmée une nouvelle fois comme une pièce d'anthologie.