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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
03 mai 2025 |
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Programme Emmanuel Dat, Nacho Duato et Angelin Preljocaj au Ballet de l’Opéra national de Paris.
Noir c’est noir
White Darkness, de Nacho Duato
Bien dans l’atmosphère de l’heure, entre crise et pandémie de grippe, ce programme très sombre clôt un hiver rigoureux plus qu’il n’annonce un printemps tardif ! Du peu convaincant Hark ! d’Emmanuel Gat au rude MC 14/22 de Preljocaj, en passant par le pessimiste White darkness de Nacho Duato, on ne pouvait que broyer du noir. De très beaux interprètes, heureusement !
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Malgré ses intentions intellectualisantes et assez fumeuses telles que nous les rapporte le programme, le chorégraphe israélien Emmanuel Gat n’a pas vraiment réussi la création que lui avait commandée l’Opéra national de Paris. À trop se torturer les méninges au lieu de « faire », comme le disait le grand professeur Kianesff à ses élèves, en l’occurrence de faire danser, bien des contemporains accouchent d’une souris après un raisonnement éléphantesque.
« Le point de départ de Hark repose sur l’idée que tout ce qui est nécessaire à une œuvre d’art est contenu en elle-même. La pièce n’est pas vue comme le fruit d’un sens qui lui est extérieur, qui réside hors d’elle (thème, propos, message…), mais comme une fin en soi. Il ne s’agit pas de l’idée derrière le travail, mais de l’action sur scène »… et inversement, serait-on tenté d’ajouter à ces propos du chorégraphe qui veulent tout dire et son contraire, et finalement rien du tout !
Qu’une œuvre d’art soit une fin en soi, on le savait, tout comme le fait que l’essentiel soit ce qui se passe sur scène. Mais encore faut-il, au-delà de ces louables intentions pas vraiment neuves, que ce que l’on voit finalement de la salle retienne l’attention d’une manière ou d’une autre, séduise, intéresse, interpelle ou scandalise. Ici, l’essentiel reste dans la tête du chorégraphe. Le robinet d’eau tiède ouvert pendant vingt-cinq minutes par Emmanuel Dat ne répond à aucun critère précis.
Dans un contexte tout noir, costumes et décor, il a le seul mérite de montrer l’excellence du travail de douze danseuses du corps de ballet et d’une Première Danseuse, Stéphanie Romberg, notamment de leur travail de pointes. Bravo mesdames, car sans l’excellence technique de ce que vous nous montrez, il serait difficile de résister à un léger assoupissement dans cette pénombre philosophique. Oublions le reste au plus vite !
Même si ce qu’il exprime est un peu trop manichéen, le travail chorégraphique de Nacho Duato dans White Darkness est d’une toute autre ampleur, d’une portée bien plus grande. Entré au répertoire de l’Opéra en 2006, le ballet traite du thème de la drogue avec quelques images frappantes. Du noir encore, hormis ces impressionnantes cascades blanches qui, par intermittence, agressent ou caressent, comme on voudra, les protagonistes.
L’énergie de Duato est très spécifique, faite autant de souplesse et de relâchement que de force libérée, de vitesse que de ralentis. Cinq couples structurent la chorégraphie, tous remarquables de fidélité au style, d’investissement, de solidité technique, d’imagination dans l’approche d’une chorégraphie pourtant si rigoureuse qu’elle ne laisse pas tant de place à l’expression personnelle.
Et pourtant, Alice Renavand, magnifique de présence, d’intériorité, de drame tour à tour contenu et exprimé, Jérémie Bélingard, à la fois si puissant et si subtil, Caroline Robert et Alessio Carbone, Laurence Laffon et Josua Hoffalt, ce dernier décidément dans une phase évolutive qui doit le mener très loin, Eléonore Guérineau et Daniel Stokes, Charlotte Ranson dont la personnalité continue à s’affirmer avec éclat et Alexis Renaud, sont tous parvenus à paraître comme de vrais individualités.
Entré au répertoire en 2004, MC 14/22 « ceci est mon corps » d’Angelin Preljocaj , pièce pour douze garçons faisant pendant à Hark pour douze filles, reste une œuvre forte et accomplie où Preljocaj a réussi justement ce que Gat a raté, une alliance intelligente entre le spirituel et le physique, la pensée et l’action, cinquante-cinq minutes intenses où danse et théâtre jouent à cache-cache dans un climat de violence en directe référence aux multiples traditions picturales liées aux représentations christiques.
Ce que l’on voit est absolument conforme au propos annoncé sans en être une illustration figurative ni narrative au premier degré. Bien loin de là . On arrive précisément là où Gat souhaitait arriver, à cet aboutissement où l’œuvre est une fin en soi, même si elle est porteuse de messages ou de références. Pas facile à réussir, c’est vrai, et n’est pas Preljocaj qui veut !
On ne peut ici encore que souligner l’excellence de l’interprétation y compris dans certaines séquences qui ne seraient pas faciles à faire passer avec moins de talent et de professionnalisme. Bien noir encore, ce ballet, mais après tout, qui a vraiment envie de rigoler en ce moment ?
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Palais Garnier, Paris Le 02/05/2009 Gérard MANNONI |
 | Programme Emmanuel Dat, Nacho Duato et Angelin Preljocaj au Ballet de l’Opéra national de Paris. | Hark
Création mondiale
chorégraphie, costumes et lumières : Emmanuel Dat
musique : John Dowland
White Darkness
chorégraphie : Nacho Duato
décors : Jaffar Chalabi
costumes : Lourdes Frias
éclairages : Joop
musique : Karl Jenkins – Caboort
MC 14/22 « ceci est mon corps »
chorégraphie : Angelin Preljocaj
costumes : Daniel Jasiak
éclairages : Patrick Riou
création sonore : Tedd Zahmal
Avec les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris |  |
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