Personnalité forte, passionnée par l’expérimentation, Trisha Brown n’a jamais cessé de découvrir, de questionner, d’essayer, de comparer. Issue d’un travail avec les plus grands maîtres de la Modern Dance américaine, elle devint dès les années 1970 un des chefs de file de la Post Modern Dance, avec une sorte de tournant au début des années 1980, tournant marqué notamment par sa rencontre avec le plasticien Robert Rauschenberg, source de nombreuses collaborations ultérieures. Intelligente, raffinée, inventive, Trisha Brown a toujours su donner une vie scénique réelle à toutes ses expériences, même aux plus extrêmes. Les trois pièces ici assemblées témoignent bien d’une évolution toujours en marche.

La première inscrite au programme, Set and reset, est justement de 1983, dans une scénographie de Rauschenberg, sur une musique originale de Laurie Anderson. C’est un jeu subtil de structures sur des assemblages de duos et trios, appuyé à la fois sur les dernières avancées de la chorégraphe à l’époque et sur un regard rétrospectif vers ses travaux antérieurs.

La deuxième pièce, You can see us, est célèbre car, avec une musique, des costumes et des effets visuels de Rauschenberg, elle prit naissance en 1994 dans un solo, If you couldn’t see me, où Trisha Brown dansait de dos, pour devenir un duo sur le double, destiné à la chorégraphe et à Baryshnikov et créé d’abord avec Bill T. Jones au Festival de Montpellier Danse, dansé ici par Leah Morrison et Dai Jian. Travail poétique et très habilement bâti, c’est une œuvre qui n’a rien perdu de son charme, de son élégance.

En première en France puisque créé seulement en 2009, l’Amour au théâtre illustre encore un autre point d’aboutissement du travail de la chorégraphe. Dans la foulée de sa mise en scène de l’Orfeo de Monteverdi, elle s’appuie cette fois sur des extraits d’Hippolyte et Aricie de Rameau, pour un travail très musical, plus ludique, plus lyrique, mais marqué par la même fluidité gestuelle, la même liberté d’invention et le même sens d’un rapport des corps sensuel un peu distancié.

Une marque personnelle, certes, mais une fois encore enrichie des expériences les plus récentes. Belle preuve d’une imagination créatrice toujours aussi pleine de vitalité et de sève !