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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
03 juillet 2025 |
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Juliette et Roméo de Mats Ek par le Ballet Royal de Suède à l’Opéra national de Paris.
Roméo selon Ek
Défendu par la magnifique compagnie du Ballet Royal de Suède présente en cette rentrée au Palais Garnier, la vision du drame shakespearien créée par Mats Ek en 2013 est d’une fascinante concision et d’une beauté absolue. L’une des œuvres les plus achevées du grand chorégraphe à qui l’on doit déjà notamment une Giselle mythique.
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S’appuyant sur les mille possibilités offertes par la qualité remarquable d’une compagnie du plus haut niveau, Mats Ek s’est emparé du mythe de Roméo et Juliette comme tant d’autres chorégraphes, mais avec une originalité et un bonheur fabuleux. Depuis que Bronia Nijinska, en 1926, avait imaginé pour Serge Lifar un Roméo aviateur s’envolant avec sa Juliette en aéroplane en conclusion du drame, personne n’avait sans doute abordé l’histoire des amants de Vérone avec autant de hardiesse tout en restant fidèle à l’essentiel de la pièce de Shakespeare.
Dans ce style puissant, fait de souplesse serpentine autant que de jambes, de bras, de pieds parfaitement tendus, de mains vibrantes, frémissantes comme des feuilles dans le vent, de flexions et de détentes élastiques, de sauts puissants, mais aussi de fragilité si humaine dans les approches amoureuses, Mats Ek va au cœur même de cette histoire de haine et de passion. Même le décor de Magdalena Aberg, mouvant, rigide, omniprésent, aussi capable de se refermer que de s’ouvrir à la liberté, est un personnage à part entière, parfois complice des amants, parfois hostile.
Nous sommes aux antipodes des déploiements anecdotiques et certes somptueux des chorégraphies comme celle, pourtant si impressionnante, que Noureev a léguée à l’Opéra de Paris. La violence est suggérée plus que détaillée de manière figurative, l’amour aussi, tout comme la mort. Les costumes, également de Magdalena Aberg, idéalement évocateurs des clans et des personnages, souvent d’une très grande beauté sobre comme les robes du bal, ajoutent à la clarté d’un récit rapide, sans inutiles commentaires, sans atermoiements. C’est beau, expressif sans fioriture, ce qui ajoute à la gravité du propos.
Le chorégraphe a choisi pour musique différentes passages de l’œuvre de Tchaïkovski : concerto, musique de chambre, symphonies, en un savant patchwork d’une totale efficacité, remarquablement dirigé par Alexander Polianichko à la tête de l’Orchestre Colonne. Comme Neumeier l’a fait dans sa Dame aux camélias avec Chopin, ce type de travail permet d’avoir une adéquation toujours parfaite entre récit et musique, sans longueurs ni répétitions.
Juliette, mise en valeur dans l’inversion voulue du titre, l’est aussi dans la chorégraphie, petite fille à peine adolescente, gracile mais sensuelle et irradiant d’une volonté de vraie femme. C’est la toute menue Mariko Kida, présence forte comme celle de son Roméo, Anthony Lomuljo, qui paraît lui aussi à peine sorti de l’enfance. Tous les autres sont excellents, du sympathique Paris d’Oscar Salomonsson au mortifère Tybalt de Dawid Kupinski, aux facétieux Mercutio et Benvolio de Jérôme Marchand et Horuto Kodama. Et puis, deux illustres vétérans assument le rôle du Prince, en l’occurrence Niklas Ek, frère de Mats, et Ana Laguna en Nourrice, toujours souple, élégante, expressive, agile, bref inoubliable.
Il y a beaucoup de technique dans ce ballet, mais c’est le théâtre qui prime, tant tous ces danseurs excellent à nous faire oublier leurs prouesses et leur rigueur stylistique. Une grande soirée de danse.
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Palais Garnier, Paris Le 06/01/2015 Gérard MANNONI |
 | Juliette et Roméo de Mats Ek par le Ballet Royal de Suède à l’Opéra national de Paris. | Juliette et Roméo
chorégraphie : Mats Ek
musique : Tchaïkovski adaptée et arrangée par Anders Högstedt
scénographie et costumes : Magdalena Aberg
éclairages : Linus Fellbom
Bengt Agke Lundin, piano
Orchestre Colonne
direction : Alexander Polianichko
Avec les danseurs principaux, les solistes et le Corps de ballet du Ballet royal de Suède |  |
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