









|
 |
L'ACTUALITE DE LA DANSE |
09 mai 2025 |
 |
Reprise de l’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan au Ballet de l’Opéra national de Paris.
L’Histoire de Des Grieux
Les défis techniques et expressifs d’un ballet emblématique de l’art de Kenneth MacMillan sont bien relevés par les Étoiles et les danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris. Au sommet de son art, Mathias Heymann, le Des Grieux de cette soirée, fait de cette nouvelle prise de rôle, une réussite incontestable au Palais Garnier.
|
 |
Réveil en majesté
Un bonheur si proche
L’addiction de la danse
[ Tout sur la danse ]
|
Avec sa chorégraphie éminemment narrative, L’Histoire de Manon offre une galerie de personnages très caractérisés, soit autant de rôles en or pour les danseurs. En grand maître du psychologisme, Kenneth MacMillan traduit dans le mouvement l’évolution et surtout les ambiguïtés des personnages de son ballet. Plus encore que chez la plupart des autres grands chorégraphes, les danseurs doivent se montrer également bons acteurs. Dans les somptueux et très suggestifs décors et costumes réalisés par Nicholas Georgiadis, c’est un défi pour toute compagnie, a fortiori pour celle de l’Opéra de Paris.
Le Corps de ballet expose comme à son habitude une technique époustouflante mais peine dans les premières scènes à exposer l’ampleur des inégalités sociales des années prérévolutionnaires où MacMillan a transposé l’action, tout comme la violence crue des tableaux du dernier acte situé en Louisiane suivant le modèle de l’opéra de Puccini. En revanche, au deuxième acte, la compagnie sert avec beaucoup de détails la scène de l’hôtel de Transylvanie entre tripot et bordel.
Parmi les solistes, la stature de Cyril Chokroun en Monsieur de G. M. illustre de manière monolithique la prédation sans état d’âme. Bleuenn Battistoni fait une maîtresse de Lescaut tout à fait piquante et insolente. Antoine Kirscher déploie une énergie débordante en Lescaut, en particulier dans les scènes d’ivresse. Mais, bien entendu, la part du lion revient au couple Manon-Des Grieux avec de nombreux duos passionnés.
L’association de Léonore Baulac à Mathias Heymann fonctionne particulièrement bien, avec une interaction du désir particulièrement fluide. Baulac montre avec sensibilité tout le caractère enfantin de Manon, ainsi que le souhaitait Macmillan, mais on eut aimé une progression dramatique dans son personnage qui paraît presque inconscient de l’issue fatale. Le chevalier Des Grieux de Mathias Heymann domine largement le plateau depuis le coup de foudre au premier tableau jusqu’au désespoir face à la mort de Manon. Il habite ses solos et les pas de deux par une présence vibrante et une expressivité autant variée que remarquable. L’acteur rejoint le danseur dans une symbiose idéale qui porte très haut cette soirée. Son rôle bénéficie en outre des plus beaux passages de la musique de Massenet.
La compilation des musiques extraites de très nombreuses œuvres du compositeur à la notable exception de son opéra Manon est l’œuvre de l’habile Leighton Lucas. On se demande quelle mouche a piqué Covent Garden de commander en 2011 une réorchestration de ces musiques à Martin Yates. C’est cette nouvelle mouture qui est jouée dorénavant. Toute le talent des musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Paris sous la direction détaillée de Pierre Dumoussaud ne peut empêcher la fosse de sonner d’une manière autant anachronique que clinquante. Une petite trahison si l’on compare avec la version originale du ballet dont témoigne un enregistrement de Richard Bonynge (Decca, 1985).
|  | |
|  |  |
|