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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
12 mai 2025 |
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Entrées au répertoire et reprise de ballets de Jiřà Kylián au Ballet de l’Opéra national de Paris.
Fulgurante beauté
Le rituel pour se protĂ©ger de la folie et le rire contre la mort traversent les pièces d’une soirĂ©e KylĂan admirablement Ă©quilibrĂ©e. Au classique Stepping Stones, la compagnie de l’OpĂ©ra de Paris ajoute Ă son rĂ©pertoire trois pièces non moins essentielles qui tĂ©moignent toutes de la richesse et de la musicalitĂ© du chorĂ©graphe tchèque.
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Réveil en majesté
Un bonheur si proche
L’addiction de la danse
[ Tout sur la danse ]
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Jiřà Kylián est un peu chez lui à l’Opéra de Paris où il a été convié par Rudolf Noureev dès 1989 pour Tanz-Schul et Sinfonietta. Le programme de ce soir ajoute à la très riche liste de pièces au répertoire de la compagnie, un ballet de 2008, Gods and Dogs, la centième œuvre écrite par le chorégraphe pour le Nederlands Dance Theater ! Son titre sous forme d’anagramme souligne la relativité des choses : des dieux aux chiens, il n’y a qu’un pas (de danse), tant l’homme est fragile à l’image de la flamme émanant d’une coupelle éclairant faiblement la scène.
Quatre couples semblent procéder d’un seul homme en résonance de motifs tirés du Quatuor à cordes n° 1 de Beethoven. Mais l’harmonie vacille : la lumière se strie comme la musique se déforme et les couples se diffractent sous les coups du destin. Hohyun Kang et Francesco Muro se distinguent, tout comme Andrea Sarri. L’atmosphère ne s’éclaircit pas pour le ballet suivant Stepping Stones (1991) au répertoire de la compagnie depuis 2001.
Dans la pénombre, un rituel mystérieux vient comme répondre à la menace de la folie émanant de la pièce précédente. Devant trois chats égyptiens et sous un mobile triangulaire, les danseurs évoluent en portant des reproductions miniatures de sculptures. Ici, tout n’est qu’ordre, immanence et permanence. Le chorégraphe détaille en quatre duos, un trio, un quatuor et un final une harmonie éternelle servie avec fluidité de nouveau par quatre couples d’où se dégage particulièrement le premier d’entre eux constitué de Ludmila Pagliero et Arthus Raveau.
On s’émerveille du choix d’associer le piano préparé de John Cage avec les Six bagatelles pour quatuor à cordes de Webern, leur épure rentrant en parfaite résonance avec la chorégraphie. Cette musicalité trop rare chez les chorégraphes d’aujourd’hui marque également les deux autres pièces données après l’entracte. Tout d’abord, l’un des ballets les plus célèbres de son auteur, le sublime Petite mort (1991) dont une moitié avait été donnée lors de la soirée d’hommage à Claude Bessy en mars 2004. Ce soir c’est l’intégralité du ballet qui entre au répertoire.
Deux mouvements lents de concertos pour piano de Mozart, le choix peut paraĂ®tre racoleur mais il faut voir l’inventivitĂ© de la chorĂ©graphie imaginĂ©e par KylĂan pour mesure la profondeur et la pertinence de son inspiration musicale. Dans un jeu qui allie Eros et Thanatos oĂą la gravitĂ© de l’extase Ă©rotique n’échappe pas Ă une pointe d’humour ravageur, la chorĂ©graphie est d’une folle complexitĂ© avec les portĂ©s typiques de KylĂan mais toujours renouvelĂ©s.
Enfin, la dernière pièce, l’irrésistible Sechs Tänze (1986), ajoute à la musicalité des danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris la théâtralité la plus vive. Six danses de Mozart constituent autant de saynètes drolatiques très XVIIIe siècle où l’outrance le dispute à la fulgurance dans une course poursuite qui rappelle l’univers échevelé d’un autre très grand artiste tchèque, le cinéaste Karel Zeman. Tout se termine dans un nuage de poudre à perruque et un éclat de rire du public.
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Palais Garnier, Paris Le 12/12/2023 Thomas DESCHAMPS |
 | Entrées au répertoire et reprise de ballets de Jiřà Kylián au Ballet de l’Opéra national de Paris. | Gods and Dogs (2008)
musique : Dirk Haubrich d’après Beethoven
costumes : Joke Visser
éclairages : Kees Tjebbes
Stepping Stones (1991)
musique : John Cage & Webern
décors : Michael Simon
costumes : Joke Visser
éclairages : Kees Tjebbes d’après Michael Simon
Petite mort (1991)
musique : Mozart
décors & éclairages : Jiřà Kylián
costumes : Joke Visser
Sechs Tänze (1986)
musique : Mozart
décors, costumes & éclairages : Jiřà Kylián
Avec les Étoiles, les Premiers danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris. |  |
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