Elle nous avait habitués à traiter les grands problèmes qui la hantent sans nous ménager. Ne serait-ce qu'avec Körper, S ou noBody, les images comme la pensée avaient tout du coup de poing. Avec un vrai talent de chorégraphe, évidemment, qui plaçait cette créatrice hors normes dans le sillage des grandes personnalités de l'heure. On avait même parlé d'elle pour succéder à Pietragalla à Marseille. La voici de retour sur la scène mythique du Théâtre de la Ville où Paris la découvrit en mai 2000. Cette fois, pour traduire un certain désenchantement devant les perspectives actuelles de la vie, sa perte de confiance face à l'évolution du monde, elle a quasiment changé de langage, optant pour un style plus esthétisant, beaucoup plus axé sur la danse pure.

Portés acrobatiques bâtis comme des sculptures, courses folles et arrêts brusques, duos presque tendres, et quelques éléments plus actuels comme ce jeu avec des bottes pleines de liquide, lequel servira en partie à tracer d'étranges graphismes orientalisants sur le sol immaculé du dispositif scénique. Ce dernier, avec ses perspectives brisés, est d'une réelle beauté et d'un grande efficacité expressive. La chorégraphe y déroule idéalement son propos, nous menant de figures plus directement charnelles, à des images plus abstraites, cheminant vers une sorte d'abstraction désabusée et angoissée, comme si le monde qu'elle peint lui échappait peu à peu.

Cinq Impromptus de Schubert fort bien joués en direct par Cristina Marton et quatre mélodies nettement moins bien chantées par Judith Simonis sont le cadre musical de cette pièce étonnante où Sasha Waltz montre à quel point elle est capable de se renouveler, quitte à désorienter voire à décevoir ses premiers admirateurs, parcours assez semblable à celui suivi par Pina Bausch, même si cette dernière a amorcé plus tard ce virage.

En tous cas, on ne pourra qu'attendre avec encore plus d'intérêt la prochaine création de la chorégraphe allemande.