|
|
L'ACTUALITE DE LA DANSE |
19 avril 2024 |
|
Onegin, de John Cranko, au Royal Opera House de Londres.
Onegin : roman, opéra, ballet
Alina Cojocaru, Caroline Duprot et Johan Kobborg.
Le Royal Ballet de Londres reprend Onegin de John Cranko au Royal Opera House, un classique de la danse qui n'a paradoxalement que quarante ans, servi par une troupe britannique assez typique par son flegme, malgré de belles performances individuelles.
|
|
L’amour virtuose
Ivresse grecque
Flambeau partagé
[ Tout sur la danse ]
|
Avec Eugène Onéguine, Pouchkine offrait à la littérature russe un récit majeur du XIXe siècle. L'adaptation à la scène lyrique par Tchaïkovski en fit son opéra le plus universellement apprécié, au risque pour ses compatriotes jaloux de dénier sa filiation russe. John Cranko, éduqué en Afrique du Sud, vint à Londres dès l'âge de dix-huit ans, après la Seconde Guerre mondiale, au moment où la danse britannique se forgeait une identité, côtoyant les illustres Dame Ninette de Valois, Sir Frederick Ashton ou Antony Tudor. De cette tradition narrative, John Cranko héritait pour créer d'abord en 1962 à Stuttgart Roméo et Juliette, puis en 1965 Onegin.
Comme son contemporain Kenneth MacMillan plus tard avec Manon, Cranko préfère ne pas utiliser l'opéra ni même une seule mesure de sa musique mais d'autres extraits de partitions de Tchaïkovski, orchestrées par l'allemand Kurt-Heinz Stolze. Certains puristes ne pardonnèrent jamais vraiment à l'oeuvre ce procédé. Balanchine se posa ainsi en adversaire et en garant de la tradition pétersbourgoise. Ces réserves n'ont pas nui au succès toujours constaté de ce ballet, partout à travers le monde.
L'intrigue est centrée sur Tatiana, un rôle créé pour Marcia Haydée, interprété par Laura Morera, first solist, en remplacement de Tamara Rojo, blessée, qui créa le rôle en 2001 lors de l'entrée de l'oeuvre au répertoire de la compagnie. Au cours des trois actes, le personnage doit évoluer, passant de la jeune fille soudainement éprise à une femme rangée, tourmentée par le souvenir cette passion de jeunesse. Miss Morera confond un peu passion et précipitation dans les deux premiers actes. Son partenaire, le brésilien altier Thiago Soares, doit canaliser cette hardiesse. Au troisième acte, son jeu s'apaise et la danseuse conquiert le coeur du public qui voit le rideau se baisser sur son désarroi final.
L'intensité narrative et psychologique de ce ballet relativement bref exige des interprètes de talent. Le reste de la distribution n'autorise aucune réserve. Le couple Olga–Lensky, formé par Alina Cojocaru et Ivan Putrov parvient presque par sa justesse à voler la vedette à Tatiana et Onéguine. Alina Cojocaru, coqueluche londonienne et internationale, Prix Benois de la Danse 2004 entre autres récompenses, peut sembler un peu timorée voire immature pour des rôles très tragiques. En Olga, elle peut au contraire laisser libre cours à son penchant juvénile. Sa danse, extrêmement éthérée et d'une délicatesse porcelainée facilite le travail de son partenaire également ukrainien.
Ce danseur noble et sensible n'a pas toujours une telle aisance pour les portés mais l'apesanteur de Cojocaru balaie ces idées préconçues. Son personnage de jeune citadin affable évolue vers un drame intérieur touchant, trahi par l'impulsif Onéguine. Par leurs morphologies et leur sensibilité, ces deux danseurs devraient être distribués plus souvent ensemble même si la paire Alina Cojocaru et Johan Kobborg reçoit les faveurs du public casanier du Royal Opera House.
Parmi les personnages secondaires, Christopher Saunders, Principal Character Artist, comme l'indique son rang, donne toute son importance à la pantomime et à la présence sur scène du Prince Grémine. Les ensembles de ce ballet comme ceux de MacMillan n'ont pas la construction ou la symbolique des grands classiques comme Giselle ou La Bayadère. Quelques danses, valses ou polonaises ainsi que des diagonales de jetés donnent aux artistes du corps de ballet la possibilité de se distinguer mais les alignements et la synchronie laissent souvent à désirer. Un flegme très britannique caractéristique de la compagnie.
Les décors et les costumes, après trente années, conservent un charme certain bien qu'un peu passé. De toute façon, chaque changement apporté à la mise en scène ou aux distributions est soumis à l'approbation difficultueuse des héritiers de Cranko et notamment de Reid Anderson, qui peut ainsi veiller jalousement à la conservation de ce patrimoine chorégraphique précieux.
| | |
|
Royal Opera House, Covent Garden, London Le 18/06/2004 Vincent LE BARON |
| Onegin, de John Cranko, au Royal Opera House de Londres. | John Cranko
Onegin
Royal Ballet de Londres | |
| |
| | |
|