S'il fallait montrer ce qu'est véritablement une étoile, il suffirait d'aller voir Agnès Letestu danser La belle au bois dormant. Malgré les multiples et diverses qualités de celles qui l'ont précédée dans cette longue série de spectacle, et sûrement de celles qui la suivront, elle a soudain haussé le niveau du débat et remis les pendules à l'heure. Certes, Zakharova nous avait aussi gratifiés d'une interprétation du plus haut niveau, mais avec moins d'assurance technique, moins de chic et surtout sans cette manière presque insolente de se lancer le sourire aux lèvres dans les variations ou les pas les plus compliqués.

Et enfin, un Adage à la rose vraiment à la hauteur des exigences musicales et chorégraphiques du moment, avec des équilibres miraculeux à couper le souffle, ou plutôt à vous le faire retenir. Adolescente pleine de charme sans aucune minauderie mièvre au début, elle devient femme ensuite, comme le veut l'évolution psychologique du conte, parcours initiatique de l'enfance à l'âge adulte.

Tout est précis, en place, ni trop ni trop peu, de l'expression sans cesse animée et variée du visage à l'exécution de la chorégraphie. C'est la maturité épanouie d'une ballerine du plus haut niveau, avec en face d'elle José Martinez toujours aussi excellent lui aussi en tous domaines. Il fallait bien cela pour relancer ces Belles qui avaient jusqu'alors essentiellement servi de galop d'essai à de jeunes ballerines en devenir, une fois encore pleines de qualités, mais à qui Agnès Letestu donne l'exemple absolu que toute étoile devrait effectivement donner.