Avec Cunningham, on reste toujours dans l'inhabituel et le surprenant. Les années passent et le vénérable créateur, héros mythique de la danse moderne, figure charismatique au vrai sens du terme, étonne toujours, même quand il déçoit. MinEvent, présenté en début de programme est « spécialement conçu pour cette tournée à l'Opéra de Paris et donné à chaque représentation avec un compositeur et un artiste plasticien différent. Invités par la compagnie, ils résident en France Â». Voilà ce que nous dit le programme. Au soir de la première, la musique était de Daniel Kientzy et le décor de Claude Lévèque. Renouer avec la notion d'event était intéressant.

La musique de Kientzy est passionnante, remarquablement interprétée par les musiciens de la compagnie. Il y a une variété d'intensités, de couleurs, de timbres, une richesse permanente d'invention, que l'on ne retrouve hélas pas dans la chorégraphie. Il faut avoir la franchise de reconnaître que les plus grands chorégraphes ne sont pas toujours au sommet de leur inspiration. Cela n'ôte rien à leur génie et il est trop facile de ne manier à leur égard que la louange. Ce n'est pas le meilleur Cunningham que nous avons vu ici, tout semblant assez convenu et répétitif. Comme dans View on Stage, de 2004, sur une musique assez étonnante de John Cage et dans un décor bizarre et franchement laid de Ernesto Neto.

Sounddance, un résumé du génie de Cunningham

Et puis vient Sounddance, oeuvre de tout premier plan et datant de 1975, sur la musique de Untitled de David Tudor, dans un décor et des costumes de Mark Lancaster. Comment ne pas voir le contraste entre cette pièce tonique, brillante, originale, aux figures et aux pas sans cesse renouvelés, à la dynamique irrésistible, à la musique subtile et totalement en situation, véritable résumé du génie de Cunningham ?



Impossible à mettre au même niveau que les deux pièces précédentes si l'on est de bonne foi. D'ailleurs, le public ne s'y trompe pas, qui réserve un accueil des plus mitigés pour ne pas dire hostile aux premières oeuvres et fait un triomphe à la dernière. Et cela malgré une compagnie elle même très inégale. Il y a certes plusieurs danseurs de très haut niveau, mais quelques-uns aussi dont la corpulence et le style sont inadéquats et desservent la chorégraphie. Peut-être même qu'avec une compagnie plus égale, les deux premières pièces passeraient-elles mieux la rampe.

Apparaissant sur le coin de la scène côté jardin aux derniers saluts, le maître reçut en tout état de cause les acclamations qu'il mérite. Une pièce comme Sounddance devrait d'ailleurs figurer au répertoire de l'Opéra de Paris.