Hasard du calendrier, ironise Yorgos Loukos, directeur du Ballet de l'Opéra de Lyon, ou plus probablement reconnaissance d'un travail de longue haleine qu'il a poursuivi depuis près de vingt ans. La compagnie lyonnaise conquiert trois théâtres parisiens entre janvier et février, témoignage éclatant de l'étendue de son répertoire contemporain de très haute qualité et de son habitude des tournées organisées en France et plus encore à travers le monde. En se produisant au Centre National de la Danse à Pantin, Yorgos Loukos, conscient de l'exiguïté des espaces de représentation et de la brièveté des formats de spectacle, propose un programme mixte sans décors ni artifices mais avec trois chorégraphes inédits pour cette mecque de la danse contemporaine : Kylián, Forsythe et Maliphant.

Extraits de Petite Mort de Jiří Kylián, trois pas de deux présentent six danseurs sous leur jour le plus musical. A l'écoute des concertos de Mozart, la fluidité et la sensualité de leur interprétation répond parfaitement au propos du maître tchèque. Lui succède un autre élève de John Cranko, William Forsythe avec Duo, une oeuvre dont les deux interprètes féminins, Emmanuelle Broncin et Julie Guibert, respectent le style et s'investissent dans l'interprétation. Physiquement très harmonieuses, les deux danseuses se sollicitent mutuellement, éveil des sens chorégraphiques, sans ambiguïté.

Après un court précipité et sans ménager un public saisi par tant de bonheur en une heure, douze danseurs se plongent véritablement dans l'une des dernières créations de la compagnie, Twelvetwentyone de l'anglais Russel Maliphant. Le chorégraphe montant outre-Manche n'en est pas à sa première collaboration avec le Ballet de l'Opéra de Lyon, qui donnera ultérieurement au Châtelet une pièce antérieure, Critical Mass. L'oeuvre innove néanmoins pour lui par le nombre élevé d'interprètes. Les filles comme les garçons se lancent avec une énergie toute contenue et assimilent avec succès le langage tout en souplesse et en accélérations de ce chorégraphe qui travaille étroitement avec Michael Hulls, artiste à part entière responsable des lumières.

La masse de béton brut échouée à Pantin a connu quelques aménagements depuis son ouverture il y a quelques mois. Cette visite du Ballet de Lyon lui assure la visite d'amateurs éclairés qui se mêlent aux habitants de cette banlieue en mutation, initiés au mieux avec de tels programmes.