L'une est française (Brigitte Seth), issue du cirque et du mime, l'autre est espagnole (Roser Montlló Guberna), danseuse ; le couple forme un tandem atypique. Provocante et touchante, leur oeuvre flirte en général avec le théâtre, la musique et la danse. Avec Revue et corrigée, accompagnée de sept artistes, elles offrent une soirée de cabaret teintée d'admiration et d'humour au coeur de ce monde de la nuit et du travestissement.

Perchées sur des talons aiguilles ou semelles compensées, femmes et travestis se déhanchent en rythme sur la sombre et mystérieuse musique de Charles Ives. Un nain à la Brecht ou Fellini joue le rôle de Monsieur Loyal de cette revue. Il laisse place à une semblable, habillée en espagnole de foire qui joue des castagnettes et de ses jupons à la manière des plus grandes danseuses ibériques.

Après cette succession de tableaux, les farces de Brigitte Seth allongent et alourdissent un peu ce spectacle par ailleurs très second degré et pétri de culture. Son jeu, non sans rappeler celui de l'actrice Catherine Jacob, mériterait quelque nuance. L'artiste en fait au contraire démonstration au cours d'une magistrale et désopilante leçon de danse. Par un effet d'optique, elle se meut en naine et effectue des exercices à la barre, parodiant chaque position avec justesse.

Pas de revue, spécialement à Paris, sans plumes et parade. Les comédiens et danseurs rivalisent de couleurs et de strass pour un défilé de bluebells girls pas vraiment glamour. Evocation du film culte Priscilla folle du désert ou du cabaret Chez Michou, le travestissement se veut émouvant, masquant la fragilité ou l'ambiguïté de ses adeptes. Comme des échassiers blessés, ces girls se replient sur leurs longues jambes, artistes ignorés, ils esquissent quelques ports de bras ou chants populaires espagnols.

En cette nuit suffocante, le soufflé retombe calmement, au son des pages de clavecin de Scarlatti, moment musical apaisant avant l'invasion de poupées mécaniques qui envahissent la scène et dansent sans conscience.