Danseuse étoile hors pair, devenue chorégraphe, elle peut aussi chanter et, sans aucun doute, jouer la comédie. Marie-Claude Pietragalla est une artiste d'une dimension peu commune, travailleuse acharnée, surdouée, et bagarreuse. Au confort d'une carrière et d'une retraite d'étoile, elle a d'abord préféré les risques – ô combien confirmés ! – de la direction du Ballet national de Marseille, avant de continuer seule avec sa propre compagnie.

Seule, pas tout à fait, puisque sa vie est désormais liée à celle de Julien Derouault qui lui avait déjà inspiré une très réussie relecture de Don Quichotte, et avec qui et pour qui elle a créé cette pièce autobiographique. Ce Souviens-toi
est donc une succession de scènes, solos ou duos, intercalés avec de nombreuses projections de films de la petite enfance de la ballerine, images touchantes, amusantes, vues de la Corse avec toute la jolie maladresse d'une caméra paternelle. C'est d'ailleurs à son père, disparu il y a deux ans, que Pietra dédie ce spectacle.



Il n‘est guère facile, dans cette suite de tableaux où la danse est assez semblable, de discerner un propos très lisible malgré les changements de costumes et de lumières, mais, même si l'on reste en marge du côté autobiographique du projet, on constate quelle admirable danseuse la chorégraphe est toujours. Énergie et précision du mouvement, investissement total, multiples qualités expressives, beauté, c'est du grand art, incontestablement.

Julien Derouault est un excellent danseur contemporain Ă  la superbe plastique et sert avec foi et efficacitĂ© cette chorĂ©graphie qui, en tant que telle, n'est sans doute pas la plus originale ni la plus aboutie de Pietragalla, bien qu'elle illustre effectivement « le double regard d'une gestuelle fĂ©minine et sensuelle en complĂ©mentaritĂ© Ă  une force animale et une violence contenue Â», comme le dit elle-mĂŞme la chorĂ©graphe.

Très nombreux, le public a prouvé par son enthousiasme qu'il restait fidèle à cette artiste d'exception, quelle que soit la salle où elle se produit.