Le Ballet Cullberg compte parmi les compagnies d'exception, à l'abri des modes et des tracasseries politiques qui font parfois osciller les directions artistiques entre un classicisme désuet et une recherche contemporaine outrancière. Fondé par Birgit Cullberg en Suède, il peut se targuer d'un répertoire prestigieux et toujours à l'avant-garde de ce que le temps permet d'apprécier comme l'excellence.

Longtemps sous l'égide du célèbre suédois Mats Ek, les danseurs en conservent le répertoire et l'honneur de travailler sous sa coupe comme pour Aluminium, création récente (2005) présentée pour débuter ce programme. Le Cullberg est aujourd'hui dirigé par Johan Inger qui hérite d'un joyau de la scène chorégraphique nordique. Il s'inscrit très ouvertement dans la lignée chorégraphique de ses pairs. Manque d'audace, signe de sagesse ou de respect ?

Aluminium

Aluminium plonge le spectateur dans un univers quotidien, celui d'une cuisine avec une table et ses assiettes, un environnement a priori rassurant mais angoissant par sa froideur et ce qui s'y déroule. Le solo d'une danseuse se transforme en scène de couple de la vie ménagère septentrionale. À la banalité de la situation succède l'étrangeté de leur relation, entre tendresse et violence conjugale. Des ensembles surréalistes interrompent ce huis clos non sans un certain humour tout nordique.

La pièce rappelle Solo for Two et Appartement mais diffère par le choix musical de John Adams et une scénographie tout de gris et très cohérente de Peder Feder Freiij. Les danseurs se fondent dans l'écriture de Mats Ek avec une fluidité et une assurance remarquables. Leurs origines très variées offrent une belle unité par l'assimilation du style par les six danseuses et les six danseurs distribués en alternance.

As If



Johan Inger, directeur du Ballet Cullberg signe la chorégraphie de As If, une pièce pleine de dynamisme et bien rythmée qui prouve de façon évidente sa filiation à Mats Ek. Le décor et les costumes de Mylla Ek contribuent peut-être à cette familiarité. Sans flirter avec la copie malhabile, l'oeuvre met en évidence le travail et le très bon niveau de cette quasi seconde compagnie nationale pour la Suède. Outre l'influence de Mats Ek, on distingue la synthèse des mouvements de Kylian, Forsythe ou Duato, un exercice ainsi décrit très ambitieux mais en l'occurrence heureusement maîtrisé.

Si le Ballet Cullberg évoque la richesse et l'explosion de la danse contemporaine dans la deuxième partie du XX^e siècle, la compagnie éclate de modernité et entretient sa réputation par l'actualité de cette tournée. Transmission de relais presque idyllique, elle pourrait contredire l'idée souvent véhiculée que chaque compagnie connaît des hauts et des creux.