Il serait absurde de répéter une fois de plus cette vérité première que Roland Petit a su et sait toujours imaginer des pas de deux mieux que personne. Quelle que soit la musique, quel que soit le thème, il fait surgir des alliances incomparables de force poétique ou dramatique, d'originalité. Cette soirée, qui marquait la rentrée chorégraphique parisienne, a rappelé cette vérité première à un public extrêmement nombreux emplissant le Théâtre des Champs-Élysées.

Certes, ne voir que des extraits de ces grandes oeuvres que sont Carmen, Ma Pavlova, les Intermittences du coeur, ou encore le Pink Floyd Ballet est toujours un peu frustrant, mais ici, la présence de ces jeunes artistes venus de l'Extrême-Orient compense tout regret. La soirée est organisée autour de la personnalité de la Japonaise Tamiyo Kusakabi, star de la danse classique internationale et vedette de l'Asami Maki Ballet Tokyo. Superbe silhouette, très belle technique, de la poésie, de la sûreté, un tout qui fait merveille dans un pas de deux de Pink Floyd et de Ni Dieu ni Diable, avec l'athlétique Lien Chang, cubain déjà très apprécié au Ballet national de Marseille dans le répertoire Petit.

Belle présence aussi, avec Raimondo Rebeck cette fois, dans un pas de deux de l'immortel Rendez-vous. Et puis, avec Cheek to Cheek et Sophisticated Lady, c'est un brillant clin d'œil à la comédie musicale américaine version Petit, c'est à dire suprêmement raffinée et élégante. Dans deux extraits irrésistibles de Charlot danse avec nous, tout comme dans Sophisticated Lady, Luigi Bonino a montré qu'il reste irremplaçable pour défendre ces bijoux d'esprit, de chic, d'humour et de fausse désinvolture.

La Chine, nouveau territoire conquis par Roland Petit, est représentée par deux éléments d'élite de la toute nouvelle génération. Jeune vedette du Ballet national de Chine, Li Jun est un danseur fin et agile, très vif et qui peut déployer aussi une certaine force dramatique, comme il l'a montré dans la fin de l'Arlésienne. C'est en outre un excellent partenaire, comme on a pu le constater dans les pas de deux de Ma Pavlova et de Carmen, dansés aussi avec Wang Quimin.

La grâce naturelle de Wang Quimin

Cette dernière est sûrement la principale découverte de cette soirée. Déjà très remarquée dans l'Arlésienne à Pékin l'hiver dernier, elle possède de multiples qualités exceptionnelles. Physique frêle mais technique sans faille, elle possède une grâce naturelle très scénique et entre autres un remarquable travail de pieds et de bas de jambes. Sa Carmen fut l'une des meilleures vues récemment, par la précision des pas et l'intelligence de la composition du personnage. Une personnalité hors du commun. Très belle présence aussi d'Altan Dugarai, né en Mongolie mais soliste de l'Asami Maki Ballet, doté d'une belle prestance, d'un superbe saut, et d'une énergie communicative.

Le triomphe est au rendez-vous, comme l'an passé en ce même théâtre pour le Pink Floyd Ballet et l'Asami Maki Ballet. C'est maintenant certain, Roland Petit ne vieillira jamais !