Un spectacle de William Forsythe, depuis son départ du Ballet de Francfort et à la suite d'un programme salué par tous à l'Opéra de Paris la saison passée, excite la curiosité. Le chorégraphe américain demeure parmi les rares créateurs à travers le monde à réunir les suffrages des aficionados de la danse classique aussi bien que des adeptes de la danse expérimentale. Ces Three Atmospheric Studies séduiront probablement plus aisément ces derniers.

William Forsythe, avec sa compagnie homonyme, privilĂ©gie dans ses dernières oeuvres un travail de recherche plus engagĂ©, tout simplement moins spectaculaire. Ă€ lire son interview distribuĂ©e avec le programme, il pourrait s'agir d'un règlement de compte avec la prĂ©sidence de son pays de naissance, les États-Unis. Le propos, intĂ©ressant, se perd un peu dans cette vaste scène Jean Vilar et mĂŞme s'il ne comporte plus le qualificatif de « populaire Â», il ne s'avère pas des plus adaptĂ©s au Théâtre de Chaillot. Ces trois Ă©tudes s'inspirent d'un triptyque du peintre de la renaissance allemande Lucas Cranach et de clichĂ©s rĂ©cents de photo reporters au Moyen-Orient.

Le premier tableau débute par une référence quasi évangélique au Christ aux outrages, au chaos de ce monde. La petite vingtaine de danseurs de la compagnie forme des groupes qui se font et se défont, s'affrontent sans trop de justifications évidentes, parabole d'une violence gratuite et coûteuse.

Le second volet de l'oeuvre se veut encore moins dansé. Deux artistes s'expriment longuement et lentement dans un anglais et un français approximatifs. L'exercice linguistique achevé, la grande jeune femme, l'espagnole exécute un solo qui demeure le meilleur souvenir de cette soirée. En torsion et distorsion, la danseuse exprime la douleur de la femme ou de la mère dans un pays en guerre. Torture physique et morale, elle souffre le parallèle sans blasphème avec la vierge Marie au pied de la croix.

Après l'entracte, le dernier tableau débute avec l'espoir de retrouver le style explosif et la gestuelle typiques du chorégraphe. Mise à part une musique – qui rapidement s'efface – de son compositeur fétiche Thom Willems, cet ultime volet se contente d'expérimentations sur le corps, la voix et sa déformation. On reconnaît Dana Caspersen, la muse du chorégraphe. On n'identifie qu'avec effort la prétendue ressemblance avec le personnage de Condoleezza Rice.

Enthousiasme modéré des applaudissements, respect pour Maître Forsythe assurément, les spectateurs gravissent avec peine ou recueillement les marches du Palais pour affronter le chaos de la ville qui les attend.