Avec Didier Deschamps à sa tête, le CCN – Ballet de Lorraine développe un répertoire contemporain varié, enrichi d'entrées au répertoire et de créations. Le programme d'ouverture de la saison 2006-2007 en est l'archétype. Les trois oeuvres regroupées n'ont aucun point commun entre elles. Le seul élément stable demeure les danseurs de la compagnie qui savent se fondre dans un langage particulier tel celui du portugais Paulo Ribeiro ou s'investir dans le texte de la création de Yann Bridard. La conviction des danseurs, telle serait la signature de l'École de Nancy.

White Feeling

Paulo Ribeiro débute la soirée avec une pièce intitulée White Feeling. Les quatre accordéonistes sur scène donnent âme à cette quarantaine de minutes au cours de laquelle la danse fait littéralement corps avec la musique. Le torse des dix danseurs alignés évoque l'accordéon, instrument mouvant qui s'étire et se comprime comme chacun des interprètes. Emmanuel Bergoin se détache du groupe qu'il encercle d'une danse à la limite de la transe. Ces dix garçons paraissent parfaitement à l'aise dans cette gestuelle fluide qui exige une technique et une endurance sans faille. La pièce gagnerait en intensité à être amputée de quelques minutes mais l'impression d'invention du mouvement prévaut.

Duo de l'Héroïne

En début de seconde partie, Claude Brumachon propose un duo extrait d'une pièce plus ambitieuse qu'il consacra il y a trois saisons à Jeanne d'Arc. La musique de la Jeune fille et la mort de Franz Schubert reste assez inattendue pour ce mythe français régional. Le pas de deux impressionne néanmoins par la violence de ses pas et l'engagement des deux danseurs. Jennifer Blasek et Christophe Béranger s'affrontent et se soutiennent avec complicité. Le style bien identifiable du chorégraphe en résidence depuis des années à Nantes demeure impressionnant par la force qu'il exige. Le corps musculeux de Christophe Béranger n'est pas sans rappeler celui de Benjamin Lamarche, interprète fétiche de Brumachon, assistant du chorégraphe pour la reprise de cette pièce.

Après la pluie

Enfin, Yann Bridard, Premier Danseur à l'Opéra de Paris, poursuit son parcours de chorégraphe avec Après la pluie. La pièce, très hétéroclite, décrit les méandres de l'itinéraire amoureux. Le ton en est rapidement donné avec un duo très heurté entre les deux danseurs qui clôturent l'oeuvre avec plus de sensibilité. Curieusement et avec peu de succès, Yann Bridard s'est adjoint les services d'un auteur, Jean-Michel Steinfort, qui nous inflige quinze minutes d'un dialogue affligeant entre quatre jeunes filles.

Supposées ballerines d'un corps de ballet caricaturé, elles dénaturent le propos de ce qui aurait pu être une jolie pièce montée qui se transforme en mille-feuilles manquant de tenue. Il n'empêche que certains duos bien interprétés confirment le talent du danseur qui devrait prendre confiance en lui et assumer seul la paternité d'une telle commande. Souhaitons à Yann Bridard le même parcours que Nicolas Le Riche, une création à l'Opéra de Paris précédée d'essais pour le Ballet de Lorraine.